Ficool

Chapter 10 - Chapitre 10 : Le Poing et la Fierté

Je me réveillai seul dans la cabane, les premiers rayons du soleil filtrant à travers les fentes des planches de bois. La tête un peu lourde des fumées et des rires de la veille, mais le cœur étrangement léger. Je repensai à Eliot, à sa conversation facile, à son sourire charmant. Il avait été drôle et attentionné, sans la pression étouffante que je redoutais. Une soirée agréable, inoffensive.

Un coup d'œil autour de la pièce me fit sourire. Le lit de Tyna était toujours vide, impeccable. La coquine. Celui de Maria était défait, mais elle n'était pas là – sans doute déjà levée. Et Kaicee… Je jetai un regard vers le lit supérieur où elle dormait. Vide, lui aussi. Un sourire plus large étira mes lèvres. Kaicee, la discrète ! J'étais heureuse pour elle. Elle méritait de vivre quelque chose de doux, loin des complots et des tensions de la meute.

Je me levai doucement, enfilai un peignoir et sortis chercher les douches communes. L'eau fraîche me lava des derniers restes de la nuit, clarifiant mes idées. Après m'être habillée avec des vêtements simples – un legging et un débardeur –, je décidai de profiter du calme matinal pour explorer le camp en détail.

L'endroit était encore plus vaste que je ne l'avais cru. Les cabanes s'étendaient à perte de vue, disséminées dans une forêt de pins et de bouleaux. Des sentiers sinueux menaient à des clairières plus petites, à un ruisseau qui serpentait, à des zones de repos avec des hamacs. Je marchai un bon moment, m'enfonçant dans les bois, au point de me demander si je ne m'étais pas perdue. L'air sentait la résine et la terre humide, un parfum vivifiant.

Puis, j'entendis un bruit familier, rythmé et puissant. Thump. Thump. Thump. Le son sourd d'un poing frappant le cuir.

Mon instinct se réveilla aussitôt. La salle d'entraînement. Je devais la trouver.

Je suivis le son et débouchai bientôt devant une longue bâtisse basse, construite à flanc de colline. Des fenêtres ouvertes laissaient voir l'intérieur. J'y entrai.

L'odeur de la sueur, du vieux bois et de la poussière me saisit. C'était spartiate : quelques sacs de frappe lourds suspendus, des poids rustiques, des tatamis usés sur le sol. Et au centre, un homme, torse nu, ruisselant de sueur, qui délivrait une série de coups de poing dévastateurs sur un sac qui vacillait sous l'impact.

C'était Eliot.

Il s'arrêta en me voyant, reprenant son souffle, un large sourire éclairant son visage.

« Jenna ! Salut ! » dit-il, essuyant son front avec l'arrière de son bras. « Qu'est-ce que tu fais ici ? »

Son ton était jovial, surpris, mais il y avait une nuance, une infime trace de condescendance amusée dans son regard qui me fit instantanément tiquer.

« Je cherchais la salle d'entraînement, » répondis-je, me tenant droite. « Apparemment, j'ai trouvé. »

« Ah ouais ? » Il eut un petit rire, jetant un regard autour de nous comme pour constater que nous étions seuls. « C'est pas souvent que les filles viennent par ici. Surtout le matin après une fête. La plupart récupèrent. »

Pas souvent que les filles viennent. La phrase résonna dans ma tête comme une gifle. Elle était pleine de présomption, du même mépris doux et inconscient qu'Aleksei et ses hommes affichaient parfois. Un mur se dressa en moi.

Mon sourire s'effaça. Mon regard se durcit. Je sentis ma posture changer, mes épaules se redresser, mon menton se lever. L'Alpha en moi se réveilla, froide et implacable.

« Vraiment ? » ma voix était devenue plus grave, teintée d'une autorité qui le fit ciller. « Eh bien, peut-être que les filles de ta meute ne viennent pas. »

Je fis un pas vers lui, les yeux plongés dans les siens. La surprise avait maintenant remplacé l'amusement dans son regard vert.

« Mais moi, » continuai-je, chaque mot un coup de griffe, « je suis Jenna, fille de Lorcan, Alpha de la Meute Grise Originelle. Et petite-fille d'Alpha. Le sang qui coule dans mes veines est celui de chefs, de guerriers. »

Je levai une main, serrant le poing, faisant jouer les muscles de mon avant-bras.

« Je ne suis pas ici pour "récupérer". Je suis ici pour m'entraîner. Parce qu'une Alpha sait se battre. Parce qu'une Alpha doit se battre. Et je m'entraîne tous les jours, depuis que je suis assez grande pour tenir debout. Alors, » ajoutai-je en jetant un regard vers le sac de frappe qui oscillait encore légèrement, « si tu penses que cet endroit n'est pas pour moi à cause de ce que j'ai entre les jambes, tu te mets le doigt dans l'œil. Et assez profondément. »

Le silence qui suivit fut total, seulement rompu par notre respiration à tous les deux – la mienne, calme et contrôlée, la sienne, un peu précipitée par l'effort et la surprise.

Le sourire avait complètement disparu du visage d'Eliot. Il me regardait, vraiment regardait, pour la première fois. Non plus comme une jolie fille croisée en soirée, mais comme une égale. Comme une menace potentielle. Le charmeur avait disparu, laissant place à un loup évaluant un autre loup.

Il hocha lentement la tête, un respect nouveau dans ses yeux verts.

« My bad, » dit-il finalement, la voix plus grave. « Désolé, Jenna. Je n'ai pas voulu être insultant. C'était stupide. »

Il fit un geste vers le sac. « Tu veux… ? Je finis ma série. »

Je soutins son regard un moment de plus, pour être sûre que le message était bien passé. Puis, lentement, je hochai la tête à mon tour.

« Je veux bien. » Un petit sourire retroussa enfin mes lèvres. « Mais éloigne-toi. J'ai besoin de place. Et je ne veux pas que le sac te revienne dans la figure. »

Cette fois, il rit, un vrai rire, sans arrière-pensée. « Message reçu, Alpha. »

Il recula de quelques pas, et je me positionnai face au sac. Je pris une profonde inspiration, sentant la force couler en moi, la colère saine se transformer en énergie pure.

Puis je lançai mon premier coup de poing. Il frappa le sac avec un bruit sec et bien plus retentissant que tous ceux qu'il avait produits. Le sac vibra violemment, et un éclair de satisfaction pure me traversa.

Eliot siffla, impressionné. « Okay. Je retire tout ce que j'ai pu penser. »

Je ne répondis pas. Je souris simplement, et enchaînai.

More Chapters