Je suis rentré chez moi. Il était tard.
Les retrouvailles avec Maya avaient laissé un goût étrange, un vertige dans ma poitrine. J'avais besoin d'oublier, de me détourner de ce visage qui me rappelait trop qui j'étais.
Alors j'ai allumé la télévision. Je voulais voir comment la battue s'était terminée. Voir si, quelque part, j'existais encore dans leurs yeux.
Après avoir allumé la télévision, je suis allé à la cuisine. Bizarrement j'ai envie de grignoter en regardant le direct.
Cependant je pensais beaucoup. Mes parents. Je ne voulais pas que...
Je me suis arrêté. Les actes sont déjà là, la seule chose que je peux faire c'est de profiter de cette situation. Au fond de moi je ressens quelque-chose de différent, comme si je disparais… pour laisser place à quelque chose de plus grand que moi.
Un monstre, une promesse de destruction.
Dois-je mourir pour que le monde retrouve la paix ?
Ou dois-je lutter pour ma propre survie, comme si j'avais encore le droit de respirer ?
Je suis. Déformé. Ni homme, ni bête.
Je ne suis pas seulement une bombe : je suis l'explosion qui s'ignore.
Qui suis-je, mes amis ?
Un monstre n'a pas droit à une seconde chance parmi les anges… Mais chez les démons, même eux, me jugeront-ils ?
Je sais que je suis un monstre. Un monstre pour les monstres, et que un jour moi aussi je serai tué. Je suis conscient mais si je m'arrête. Si je ne tue plus... Je vais mourir moi même.
Je me posais ces questions assis sur une chaise en bois, dans ma cuisine silencieuse.
La maison me semblait vide, comme creusée par un gouffre invisible.
— « La maison est bien vide depuis cette nuit… » ai-je soufflé sans raison.
Puis les mots sont sortis tout seuls, comme s'ils ne m'appartenaient pas :
— « Oui, je suis un tueur. J'aime prendre la vie des autres. Mais ça ne me fait plus frissonner… »
C'était comme si mon corps et mon esprit ne vivaient plus ensemble. Comme si je m'écoutais parler de loin.
Je repensai à mon premier meurtre. Je ne m'étais pas senti coupable. Non.
C'était… merveilleux.
Je me rappelle du choc, du vertige, de l'extase.
J'ai joui sur le cadavre.
Oui, c'était ma première fois.
Ma véritable naissance.
Et ce soir encore, dans le reflet noir de l'écran de télévision éteint, je voyais ce que je suis devenu :
pas un homme. Pas un survivant.
Juste une promesse… une promesse de mort.
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( Le direct)
L'écran s'allume. Un générique froid, puis la voix d'une présentatrice résonne.
Son ton est grave, mais maîtrisé, comme si la terreur devait être emballée dans du professionnalisme.
Présentatrice :
— « Bonsoir. Les recherches menées dans la forêt se sont achevées aujourd'hui dans une atmosphère de cauchemar. Les équipes de la S.H.A.R.D, appuyées par la police locale, confirment avoir découvert de nombreux corps, dans une grotte mais également dans des fosses improvisées. »
Un bruit de papier, un changement de ton.
— « Selon nos informations, plus de quarante victimes ont été recensées. Des hommes, des femmes, des enfants. La plupart mutilés. Certains corps portent des marques de torture particulièrement violentes. Les enquêteurs parlent d'une mise en scène macabre. »
Les images diffusées :
→ des brancards, recouverts de draps blancs.
→ des policiers le visage fermé, masques sur la bouche.
→ des journalistes bousculés par la foule.
Présentatrice :
— « La découverte d'un enregistrement audio à l'intérieur d'un cadavre laisse penser que le meurtrier a volontairement laissé des indices pour communiquer avec les forces de l'ordre. »
Transition. La voix d'un journaliste sur le terrain prend le relais :
Journaliste :
— « Nous sommes ici, à la lisière de la forêt. Comme vous pouvez le voir derrière moi, les enquêteurs sortent encore des sacs mortuaires. D'après nos sources, il pourrait y avoir plusieurs dizaines d'autres victimes encore ensevelies. Les habitants, eux, sont sous le choc. Certains parlent d'un véritable cimetière à ciel ouvert. »
Une vieille femme, filmée rapidement :
— « On savait qu'il y avait quelque chose de mauvais dans cette forêt… mais jamais on n'aurait imaginé ça. »
Retour plateau.
Présentatrice :
— « L'identité du ou des criminels reste pour l'instant inconnue. Cependant, la S.H.A.R.D confirme qu'il s'agit de l'œuvre d'un seul individu. Un individu particulièrement méthodique, organisé… et dangereux. »
Un silence lourd. Puis :
— « Nous vous rappelons que si vous avez la moindre information, vous pouvez contacter le numéro affiché en bas de l'écran. La police insiste : l'homme recherché est extrêmement violent. Il pourrait se trouver encore parmi nous. »
L'écran diffuse alors une vue aérienne de la forêt, couverte de gyrophares bleus et rouges. Le son des sirènes sature l'image.
Les journalistes nommait la forêt de longston la forêt ensanglantée.
C'est vrai… si je disais que je n'étais pas heureux quand je tuais, je mentirais.
Mais si je prétendais que je n'ai jamais rêvé d'une vie différente, je mentirais aussi.
Je suis ce que je suis.
Et je n'en fais plus un drame.
J'adore ce que je fais, mais je ne suis pas fou.
Je sais très bien la souffrance que j'apporte, les plaies que je laisse ouvertes derrière moi.
Je sais que je suis l'erreur.
Je suis le mal incarné.
Et pourtant… nous vivons tous pour nous-mêmes.
Nous portons tous notre masque, notre fardeau, nos choix.
Certains osent… d'autres se cachent.
Moi, j'ai choisi d'oser.
Je préfère vivre ainsi, dévorant la vie des autres, plutôt que de ne pas vivre du tout.