Ficool

Chapter 10 - chapitre 5.4 : une autre vie.

4 ( Désolé ... Falone .)

Le livre de mon père était enfin prêt. Sur la couverture, il y avait écrit : « Une autre vie. Tome 3 ».

J'ai commencé à le feuilleter. En l'ouvrant, j'ai vu qu'il y avait une petite lettre, écrite de sa main. Elle disait :

"J'ai toujours été comme le mal-aimé de la famille. Mon père avait fait sept enfants et c'était un peu difficile à la maison. Mais lui, il m'a toujours aimé. Et moi, en retour, je veux aimer mon fils de la même façon. Car si l'amour sauve… alors pourquoi le refuser ?"

Je suis resté figé sur ces mots. J'ai fait une pause, les lèvres serrées.

— « De quoi parle vraiment ce livre, en fait ? »

Un peu déconcerté, j'ai continué la lecture. Ce livre parlait de moi. De ma vie. De lui aussi, et de ce qu'il avait traversé, rejeté par sa propre famille pour avoir épousé une femme plus âgée. Mais la plupart des passages tournaient autour de moi, de ce que j'étais à ses yeux. Non, il ne me voyait pas comme je suis aujourd'hui… Il voyait en moi ce que je n'arrive même plus à percevoir.

Au chapitre 4, il écrivait :

"Mon fils est différent de moi. Chaque jour, il m'apprend à être un homme nouveau. Il m'apprend à pardonner."

Ces mots m'ont coupé le souffle. Quelque chose à l'intérieur de moi s'est brisé.

Si je disais que je n'ai pas pleuré, je mentirais. Mais ce n'était pas des larmes. C'était ce poids au fond de ma poitrine, une douleur sourde. Pour lui, j'étais tout… et je ne l'ai jamais su. Oui, il m'avait toujours montré son affection, mais jamais je n'aurais imaginé que c'était si fort.

Alors un souvenir m'a frappé. Une nuit, j'étais enfant. Il m'avait surpris dehors, sous la pluie, parce que j'avais fugué après une dispute. Il n'avait rien dit. Il avait juste posé sa veste trempée sur mes épaules et m'avait dit : « Tant que je suis là, tu ne seras jamais seul. »

Et moi ? Moi, je l'ai tué.

Je me suis rappelé cette nuit maudite. Le couteau taché de sang, mes mains tremblantes… et lui, assis au salon, en train d'écrire. Quand il m'a vu avec l'arme, il a voulu appeler la police. Je n'avais pas le choix. C'est ce que je me répète, encore et encore. Mais au fond, je sais que c'est faux.

Je ne fuis pas ce que je suis. Je l'aimais, mais je l'ai tué.

Et le silence qui m'entoure depuis ce soir-là… ce n'est pas un silence que j'aime. C'est celui qui t'étouffe. Le silence d'après l'explosion.

Parce qu'au fond, une bombe me ressemble. Elle tue, mais pour tuer, elle doit d'abord s'anéantir.

J'ai refermé le livre. Mon père me plaçait au premier plan. Puis venait ma mère, et seulement après ses rêves. Il répétait souvent que nous étions plus importants que tout le reste. Et pourtant… c'est celui pour qui il écrivait une histoire qui a mis un terme à la sienne. C'est presque poétique, non ? Je l'ai pensé avec un sourire forcé. Mais mon cœur, lui, n'a pas ri.

Je n'étais qu'au chapitre 4, et j'étais déjà à bout. Alors j'ai soufflé, j'ai fermé les yeux. Mais le poids en moi ne partait pas.

Je voulais l'évacuer. Je voulais tuer pour aller mieux.

J'ai pris mon blouson, mes clés, et un couteau. J'ai marché jusqu'à la porte, décidé à me défouler. Mais quand j'ai tourné la poignée… elle était là. Falone.

Debout, seule.

Le hasard ou le destin, je ne sais pas. Toute la ville était à l'église, il n'y avait personne d'autre dans la rue. Seulement elle.

J'ai serré le couteau dans ma main. Mes lèvres ont tremblé.

— « Désolé falone »

Pendant ce temps, dans une autre ville…

La salle de réunion de l'association La tendresse du cœur était simple mais chaleureuse : de grandes fenêtres laissaient entrer la lumière de l'après-midi, un grand tableau en liège couvert de plans d'architecte occupait tout un pan de mur, et sur la longue table ovale trônaient des bouteilles d'eau et quelques dossiers empilés.

Autour de la table, huit personnes étaient assises. Des visages graves, concentrés. Tous savaient que ce projet était plus qu'un simple bâtiment : il s'agissait de l'héritage de leur ami disparu, monsieur Abogué.

Madame Wallace, une femme d'une soixantaine d'années, les cheveux gris attachés en chignon serré et les lunettes au bout du nez, prit la parole la première en consultant un dossier.

— « Bon… l'école est bientôt terminée. Selon l'architecte, on pourra l'ouvrir cette année, avant même la rentrée des classes. »

À sa droite, son mari, monsieur Wallace, un homme trapu, moustachu, qui tapotait nerveusement son stylo contre la table, hocha la tête avec un sourire.

— « C'est une bonne nouvelle. En plus, les enfants de la ville voisine pourront apprendre là-bas. »

Le maire de la ville, monsieur Diallo, un homme grand et mince, vêtu d'un costume beige, croisa les bras et se pencha légèrement en avant.

— « Oui, mais la réunion ne concerne pas seulement l'ouverture. Il y a un problème… Nous ne pouvons rien faire si Monsieur Abogué n'est pas au courant. »

Un murmure parcourut la table. Puis une femme élancée, aux cheveux courts et aux boucles d'oreilles dorées, madame Kanga, répondit en fronçant les sourcils.

— « Mais… il est mort, non ? »

Un silence pesa dans la pièce. Alors, un homme à la carrure imposante, chemise blanche ouverte sur un collier en bois, prit la parole. C'était monsieur N'Diaye, un entrepreneur local.

— « Donc, cela signifierait que c'est son fils qui prend le relais. Comment il s'appelle déjà ? »

Monsieur Wallace posa son stylo, plissa les yeux et claqua des doigts comme pour se souvenir.

— « Si je me rappelle bien, c'est GRÉY… »

— « Oui, oui… c'est GRÉY, » ajouta le maire Diallo en se redressant. « Je m'en souviens maintenant. »

À l'autre bout de la table, une jeune femme énergique au tailleur bleu marine, Clara Essono, secrétaire de l'association, prit des notes rapidement. Elle leva les yeux et, d'une voix ferme, intervint :

— « Cependant, cet homme n'est pas l'un des nôtres. »

Un vieil homme, monsieur Koumba, aux cheveux blancs et à la peau ridée mais aux yeux vifs, tapota doucement la table de son doigt noueux.

— « Mais son père, oui… Et pour information, son père a donné plus que n'importe qui ici présent. Donc, qu'on le veuille ou non, on est obligé de lui parler. »

— « C'est vrai qu'il a donné beaucoup, » répondit madame Kanga en croisant les bras. « Mais c'est aussi à cause de lui que le projet a coûté aussi cher. »

Un homme plus jeune, le docteur Mensah, la trentaine, lunettes rondes, chemise bien repassée, hocha la tête.

— « Oui… parce que nous, à la base, nous voulions simplement un pré-primaire. Mais lui, il voulait une vraie école. Et pas une petite… une grande. »

Monsieur Wallace soupira et haussa les épaules.

— « C'est vrai… mais tout le monde ici a signé pour ça. La fondation entière était d'accord. »

Le vieil homme, Koumba, appuya son coude sur la table et parla d'une voix plus grave.

— « C'est parce que Monsieur Abogué était là. Qui d'autre aurait pu financer un tel projet ? »

Un silence tomba à nouveau. Tous semblaient réfléchir. Puis le maire Diallo conclut, en ajustant sa cravate :

— « Bon… conclusion : il faut que l'on parle avec ce GRÉY. »

Les regards s'échangèrent autour de la table. Le nom sonnait lourd. Comme une énigme. Comme une menace.

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