Le Diablis recula d’un pas.
Son torse strié vibrait, comme prêt à imploser.
Kael, à genoux, saignait de la bouche, des yeux, des bras.
Mais il voyait encore.
La faille était là.
Au centre de sa gorge.
Non pas une blessure.
Un nœud d’instabilité.
Comme une tension trop ancienne contenue dans un souffle démoniaque.
Kael inspira, malgré la douleur.
Et frappa.
Pas avec force.
Avec précision.
Sa main s’éleva, traversa l’air, et alla cueillir l’exacte ligne de rupture.
Un son étrange résonna.
Pas un cri.
Un effondrement.
Le Diablis vacilla.
Ses membres tremblèrent.
Puis se recroquevillèrent, comme si son propre corps refusait la dissolution.
Mais il tomba.
Une lumière noire, semblable à une onde d’éclipse, s’échappa de lui.
Et Kael… resta debout.
Juste un souffle.
Juste un regard.
Mais suffisant.
Le vide vibra.
Puis :
[Résistance à la Brûlure — Sous-Amélioration Avatar : confirmée]
[Résistance à la Paralysie — Sous-Amélioration Avatar : confirmée]
[Résistance à l’Engelure — Sous-Amélioration Avatar : confirmée]
[Fusion en cours…]
[Résistance Élémentaire — Sous-Amélioration Avatar : confirmée]
S’en suivi..
[Résistance à la Douleur — Sous-Amélioration Spirit : confirmée]
[Résistance à la Confusion — Sous-Amélioration Spirit : confirmée]
[Fusion en cours…]
[Résistance Mentale — Sous-Amélioration Spirit : confirmée]
[Capacité passive latente — stabilisation en cours…]
Kael n’eut pas le temps de comprendre.
La brèche se forma.
Une faille douce, horizontale, à mi-hauteur.
Pas violente.
Pas brutale.
Juste… là.
Comme une invitation.
Gravyor, de son côté, venait d’arracher la tête de son adversaire à mains nues.
Le gremlin supérieur n’avait pas tenu.
Trop lent.
Trop direct.
L’aura de l’Effroi avait broyé sa volonté avant que son corps ne comprenne ce qui l’attendait.
Gravyor se redressa.
Un filet de sang noir coulait de son bras.
Il haleta.
Puis éclata de rire.
— Fini.
Le cercle sous ses pieds pulsa.
Et il disparut.
Kiyoshi ne combattit pas.
Il résista.
Le gremlin qui l’affrontait frappait avec rage, tournoyait, glissait, revenait…
Mais jamais il ne parvenait à franchir la ligne.
Une ligne invisible.
Tressée dans l’esprit.
Dans le souffle.
Quand la dernière attaque vint, Kiyoshi se contenta de lever la main.
L’air vibra.
Et le gremlin… s’endormit.
Debout.
Il s’effondra sans bruit.
Dans l’observatoire, le Guide cliqua sur les deux profils.
[Épreuve : terminée]
[Survivants confirmés]
[Récompenses transmises : ajustées]
— Bien… bien.
Puis il ouvrit un autre écran.
Celui de Kael.
Toujours actif.
Toujours lumineux.
Et il comprit.
Les deux autres avaient vaincu…
un boss.
Conçu.
Programmé.
Mais Kael…
avait vaincu un Diablis né de lui-même.
Le Guide se figea.
Et ses lèvres murmurèrent :
— Ce n’était pas prévu.
— Pas par la Tour.
— Et encore moins… par moi.
Un souffle invisible parcourut les ruines de l’arène.
Le sol, fendu, ne vibrait plus.
La pierre s’était tue.
Mais dans l’air…
quelque chose s’ouvrit.
Ni portail.
Ni lumière.
Un simple… silence.
Chargé.
Dense.
Presque cosmique.
Une brume noire, constellée d’éclats pourpres, se forma lentement au-dessus des trois survivants.
Elle tourna.
Lentement.
Puis descendit.
Et chacun d’eux sentit… une présence.
Kiyoshi
Il n’eut pas besoin de lever les yeux.
La présence vint se poser sur lui comme un souffle chaud.
Pas un pouvoir.
Un accord.
Quelque chose entra en lui sans violence, sans douleur, comme une onde musicale venue d’un autre monde.
Et dans sa poitrine… un battement.
[Marque de Vishnou – Version scellée : confirmée]
Un point d’or se fixa au centre de son sternum, invisible pour les autres.
Un cercle lent, tournant comme une horloge vivante.
Kiyoshi sourit.
Il ne savait pas ce que c’était.
Mais il savait… que c’était juste.
Gravyor
Pour lui, ce ne fut pas un souffle.
Ce fut un éclat de rire lointain.
Un rire ancien, monstrueux, mais sincère.
Quelque chose tomba du ciel — ou d’un autre plan — et le frappa en plein torse.
Gravyor recula d’un pas.
Mais ne tomba pas.
Ses bras tremblèrent.
Une chaleur étrange monta dans sa nuque.
Puis un frisson, dans sa colonne vertébrale.
[Marque de Dokkaebi – Version scellée : confirmée]
Sur sa clavicule, une petite marque asymétrique, comme un masque grimaçant, se grava dans la chair.
Elle vibrait doucement, comme un avertissement.
Gravyor la fixa, amusé.
Et murmura, dans un souffle rauque :
— J’te connais pas… mais t’as l’air de me connaître.
Kael
Et enfin…
Le silence autour de Kael devint absolu.
Pas de souffle.
Pas d’aura.
Juste… une pression sur son œil gauche.
Comme une main froide, osseuse, posée sur son visage.
Il ne cria pas.
Mais son corps frémit.
Une brûlure fine, comme un fil de feu, remonta son nerf optique.
Puis, un battement dans son crâne.
Un nom, sans qu’il ne l’entende.
Une réponse à une question jamais posée.
[Œil de Nyx – Version scellée : confirmé]
Une lueur sombre, plus noire que l’obscurité elle-même, traversa brièvement son regard.
Et dans l’ombre de sa pupille, une marque.
Discrète.
Invisible.
Mais elle était là.
Kael inspira.
Et sans le vouloir… il vit.
L’intérieur du monde.
Le mensonge des formes.
Et les points faibles, même dans la lumière.
La brume se dissipa.
Les dons étaient donnés.
Aucun mot.
Aucune explication.
La Tour ne parlait pas.
Elle observait.
Elle jaugeait.
Et elle venait de choisir.
Après avoir renvoyé les autres, le Guide déchira l’espace pour les trois derniers survivants.
Gravyor.
Kiyoshi.
Et Kael.
Mais au moment où Kael franchit la brèche…
Quelque chose se plia.
Pas un accident.
Une vibration cosmique, comme un murmure oublié par l’univers.
Et Kael… dériva.
L’espace autour de lui était noir.
Mais pas vide.
Un ciel d’étoiles. Un abîme suspendu.
Le silence, absolu.
Il inspira.
Mais l’air… était figé.
Comme suspendu dans un entre-deux.
Puis une voix.
Calme.
Hors du temps.
Ni grave, ni aiguë.
Ni homme, ni femme.
Juste… là.
— Kael.
Il se figea.
Ce n’était pas le Guide.
Ce n’était pas Thana.
Mais elle… le connaissait.
Il voulut parler, mais la voix reprit, douce, droite, dissociée du monde.
— Je suis celle que tu aurais dû entendre…
— …lorsque ton sommeil t’a ramené du Temple.
— Mais l’écho a été déformé.
— Ta douleur… m’a étouffée.
Un frisson glacial remonta sa nuque.
— Je suis la Rémanente Primordiale… du Destin.
L’espace se plia devant lui.
Et une silhouette apparut.
Presque humaine. Presque divine.
Un éclat entre la lumière et le chaos, fusionné dans une forme floue, tremblante.
Une aura de tristesse, de fragilité, de transparence…
Et pourtant, une force ancienne derrière chaque pulsation.
Elle n’était pas là pour le tuer.
Kael le savait.
Si tel avait été le cas… il ne serait déjà plus là pour poser la question.
Il serra les poings. Et demanda, d’une voix ferme :
— Qu’est-ce que tu es… vraiment ?
L’entité répondit aussitôt, sans détour :
— Nous sommes ce que notre nom dit, Kael.
— Des Rémanents.
— Dans mon cas… une Rémanente Primordiale.
— D’autres, plus instables, plus incomplets… sont appelés simplement Rémanents.
Elle s’avança d’un pas. L’espace sembla s’incliner sous son mouvement.
— Nous incarnons chacun une Loi.
— Et notre création fut involontaire.
— Issue de l’agrégation résiduelle des Quatre Absolu’s.
— Leur pouvoir laisse des traces.
— Et parfois, ces traces… prennent forme.
Un court silence, presque respectueux.
Puis, son ton devint plus pressé :
— Nous n’avons plus beaucoup de temps.
— Je suis venue t’avertir de trois choses.
Elle leva une main éthérée, et chaque mot vibra comme un verdict.
— Ne fais confiance qu’à Thanatos.
— Méfie-toi des autres Absolu’s. Tous.
— Et dans la Tour… ne crois que ceux liés à lui.
— Par le sang. Par l’âme. Par le serment.
Elle sembla faiblir. Ou s’éloigner.
Son image se flouta davantage.
— Je ne peux te dire plus.
— Ton axe… n’est pas encore prêt à supporter davantage.
— As-tu une question, avant que je te laisse ?
Kael leva lentement la tête.
Son regard n’était ni troublé, ni emporté.
Mais froid.
Tranchant.
Un glacier figé dans un être humain.
— Oui.
— J’aimerais savoir…
— Lequel d’entre vous est responsable…
— …de la tristesse de Thana.
— …et de l’état dans lequel se trouve ma sœur.
La Rémanente se figea.
Elle vit dans ses yeux…
pas une émotion.
Mais un verdict.
Une sentence déjà écrite.
Comme si la pitié n’avait jamais eu droit de cité dans son jugement.
Et elle sut : le responsable serait condamné.
La Rémanente ne répondit pas tout de suite.
Son image vacilla.
Un tremblement.
Un souffle contenu.
Comme si la question de Kael avait frappé quelque chose de plus ancien que le temps lui-même.
— …Tu n’es pas encore prêt à entendre ce nom.
Sa voix ne tremblait pas.
Mais l’espace autour d’elle… oui.
— La Loi que j’incarne m’interdit certaines réponses.
— Mais je peux te dire ceci :
Elle s’approcha.
Pas d’un pas humain.
Mais comme si l’univers lui-même rétrécissait entre eux.
— Celui — ou celle — qui a plongé Thana dans le silence…
— Celui qui a brisé l’harmonie de ton sang…
…n’a pas agi seul.
Kael plissa les yeux.
— C’est donc un complot ?
Elle inclina légèrement la tête.
— Non.
— C’est un accord.
— Une convergence entre trois Lois opposées, unies dans une peur commune.
— Et toi… tu es ce qu’ils ont tenté d’empêcher.
Le cœur de Kael se serra.
Un battement.
— Ils avaient peur de moi ?
— Non.
Elle le regarda, et pour la première fois… sa voix se fit presque douce.
— Ils avaient peur de ce que Thanatos… ferait pour toi.
Un silence lourd suivit.
Puis, lentement, la Rémanente reprit.
— Ta sœur est une conséquence.
— Pas un dommage collatéral.
— Un verrou posé sur ta nature.
Kael resta immobile.
Mais ses poings… se crispèrent.
— Qui a posé ce verrou ?
Un long moment passa.
Et elle répondit enfin :
— Celui qui a scellé Thana… et plongé Lyana dans l’oubli…
— …était l’un des leurs.
— L’un des tiens ?
— Non.
— L’un des Absolu’s.
Le souffle cosmique s’épaissit autour d’eux.
Kael recula d’un demi-pas.
Pas par peur.
Par colère contenue.
Elle, enfin, ajouta :
— Je ne peux pas te donner son nom.
— Mais si tu continues…
— …tu le verras toi-même.
— Et ce jour-là…
Elle pencha légèrement la tête.
— Ce ne sera plus une question.
— Mais un jugement.
La Rémanente s'effaça lentement.
Comme si l’univers reprenait son souffle après une vérité trop lourde.
— Nous ne nous reverrons peut-être plus, Kael.
— Mais je prierai… pour que ce jour vienne.
— Et que, cette fois… tu sois prêt.
Puis tout s’éteignit.
La brèche réapparut derrière lui.
Stable.
Ouverte.
Mais différente.
Kael n’avait pas bougé.
Il resta figé encore un instant.
Les poings serrés.
Le cœur en tempête.
Les réponses… plus lourdes que les questions.
Puis, enfin, il inspira.
Et traversa.
— …Kael ?!
La lumière chuta.
Et son corps tomba.
Mais il ne toucha jamais le sol.
Deux bras l’attrapèrent avant l’impact.
Un parfum.
Celui de cendre, de nuit et de sang… mêlé à celui de la peur.
La peur de le perdre.
Thana l’avait rattrapé.
— Kael…
Elle le serrait contre elle.
Fermement.
Presque avec violence.
Mais il ne répondait plus.
Son souffle était court.
Ses yeux, à demi clos.
Du sang perlait de ses bras, de sa bouche, de ses tempes.
Ses vêtements étaient en lambeaux.
Sa peau, parcourue de gerçures noires, de brûlures, de morsures.
Et une pâleur cadavérique s’était installée sur son visage.
— …Idiote… murmura-t-il, dans un souffle à peine audible.
Elle cligna des yeux.
— …j’avais dit… que je reviendrai.
Puis, il s’évanouit.
Et dans les bras de Thana, Kael… revint vraiment chez lui.
[…Kael vient de s’évanouir dans les bras de Thana.]
Et dans les bras de Thana, Kael… revint vraiment chez lui.
Elle le serra un peu plus fort.
Comme pour le recoller au monde.
Comme pour empêcher son âme de se dissoudre dans les souffrances qu’il portait encore.
Mais elle ne vit pas.
Elle ne pouvait pas voir.
Alors que sa tête reposait contre son épaule,
son œil gauche, à demi-clos…
brilla.
Un éclat noir.
Silencieux.
Infime.
Un cercle fin, gravé dans la pupille, tournait très lentement.
Comme une horloge inversée, bâtie dans l’ombre.
Et dans cette nuit…
une lumière dorée pulsa une seule fois.
Discrète.
Mais absolue.
[Œil de Nyx – activité minimale détectée]
Puis, plus rien.
Et le monde, enfin, se remit à respirer dans la nuit.
