Kael était toujours à genoux.
Le souffle court.
Le visage trempé de sueur et de sang mêlés.
Les muscles raides.
Les veines battantes.
Mais ses yeux…
rouges, dilatés, fixaient l’un des gremlins.
Il ne pensait plus.
Il voyait.
Et là…
Quelque chose.
Une marque.
À peine visible, nichée sur le flanc gauche de la créature.
Une forme complexe, mouvante, comme un glyphe ancien gravé sous la peau.
Les lignes en spirale s’épanouissaient en arabesques pourpre-obsidienne, bordées de fissures noires, comme si la chair elle-même avait commencé à craquer autour.
Une aura noirâtre en émanait.
Fine. Flottante.
Presque… douce au début.
Mais à peine son regard s'y accrocha…
la douleur explosa.
Un choc fulgurant lui transperça le nerf optique.
Puis l'autre.
Comme si deux pointes chauffées à blanc s'enfonçaient directement dans ses orbites.
Kael hurla.
Mais cette fois, le cri resta en lui.
Ses mâchoires se crispèrent.
Son dos se cambra.
Et dans sa tête, une phrase étouffée, automatique :
[Résistance à la Brûlure — Sous-Amélioration Avatar : confirmée]
Son crâne vibrait.
Ses yeux saignaient.
Et pourtant… il ne les fermait pas.
Il voulait voir.
Il devait voir.
La marque pulsait encore.
Et son instinct…
lui disait où frapper.
Un gremlin le vit bouger.
Juste un peu.
Un tressaillement de genou.
Il bondit.
Kael n’eut pas le temps de réfléchir.
Il laissa son corps faire.
Sa main, engourdie, se leva d’un coup sec.
Son poing, en partie paralysé, se referma mal — mais assez.
Il visa la faille.
Et frappa.
Le gremlin s’arrêta net.
Puis, son flanc se fendit.
Pas comme une blessure normale.
Comme une céramique trop tendue qu’on aurait enfin fissurée.
Une lumière noire, presque liquide, jaillit de l’ouverture.
La créature s’écroula.
Morte.
Instantanément.
Kael resta figé.
Son bras retomba.
Ses yeux tremblaient.
Mais il avait compris une chose : ce n’était pas la force.
C’était la justesse.
Un autre gremlin se redressa.
Plus trapu.
Dans sa main… une faucille.
Rudimentaire.
Mais étrange.
La lame était trop fine, presque courbe comme une dent de créature, et l’alliage semblait absorber la lumière.
Kael la vit.
Et son cœur manqua un battement.
Une chaleur.
Non… une pulsion.
Un tiraillement subtil dans sa paume encore tremblante.
Comme si son corps lui disait :
“Prends-la.”
Mais ce n’était pas un instinct de survie.
C’était autre chose.
Une attirance.
Froide. Ancienne. Douloureusement familière.
"Pourquoi cette arme me regarde comme si elle me reconnaissait… ?"
Il se redressa lentement.
Du sang coulait encore de ses paupières.
Son corps tremblait, mais il tenait.
Et ses yeux…
Rouges.
Irréels.
Vibrants.
Mais au centre…
Une étincelle dorée.
Fine.
Pulsante.
Comme un soleil emprisonné dans le regard d’un mort.
Et autour de lui…
Quelque chose se matérialisa.
Une aura noire, fluide, rampante, s’éleva de ses épaules, de ses ombres.
Pas un pouvoir actif.
Juste… une pression.
Un cri sourd que son âme émettait sans qu’il le sache.
Les gremlins reculèrent.
Un. Deux. Puis tous.
L’un d’eux trébucha.
Un autre gratta la pierre à mains nues, cherchant une sortie qui n’existait pas.
Le troisième hurla.
Non pour attaquer.
Mais pour avertir.
Kael fit un pas.
Rien d’hostile.
Juste un mouvement.
Et le couloir se vida.
Pas d’affrontement.
Une fuite.
Dans l’observatoire, le Guide s’était figé.
Un doigt encore posé dans le vide, au-dessus d’une interface inactive.
Ses yeux ne clignaient plus.
Son souffle s’était bloqué sans qu’il s’en rende compte.
Et puis :
— C’est une plaisanterie…
Il cliqua sèchement pour ouvrir une série de diagnostics.
— Dites-moi que je rêve…
— D’abord une épiphanie… et maintenant ça ?
Un silence glacé.
Puis, dans un souffle plus bas, presque… sincère :
— Et la Tour le laisse faire ?
Le sol était couvert de marques sombres.
Sang séché. Bile. Cendres.
Mais Kael n’y prêtait plus attention.
Il voyait encore…
Trop.
Les glyphes pourpres s’incrustaient partout.
Même sur des corps déjà morts.
Même sur le sol.
Son cerveau essayait de trier, mais ses nerfs hurlaient.
Trop d’aura. Trop de faille. Trop de bruit dans mes yeux.
Et puis…
le sol pulsa à nouveau.
Ils arrivèrent en silence.
Pas de cris.
Pas de courses folles.
Cinq silhouettes bondirent dans la lumière pâle.
Plus massives.
Plus vives.
Différentes.
Des gremlins — oui.
Mais augmentés.
Certains avaient des crocs plus longs.
D’autres portaient des morceaux d’armure rouillée nouée autour du torse.
L’un d’eux, au centre, serrait une chaîne cloutée à moitié rongée par l’oxydation.
Ils ne jouaient plus.
Ils chargeaient.
Kael inspira.
Son corps était déjà en tension.
Et dans son regard… les glyphes réapparurent.
Mais pas comme avant.
Trop vifs.
Trop nombreux.
Quatre glyphes à la fois.
Toutes pulsant, se superposant, vrillant sa vision comme une spirale d’encre vivante.
Il leva le bras.
Mais l’angle lui échappa.
Le premier coup de griffe le frappa à l’épaule.
Puis un autre, plus bas.
Une morsure.
Une injection.
Et le poison entra.
Kael recula.
Tituba.
Son estomac se tordit.
Sa gorge se ferma.
Un goût métallique, lourd, amer, remonta dans sa bouche.
Ses veines se mirent à grésiller, à gonfler.
Comme si le liquide étranger refusait d’être assimilé.
Il tomba à genoux.
Sa vision se troubla.
Et alors…
[Résistance aux Poisons — Sous-Amélioration Avatar : confirmée]
Le signal fut brutal.
Comme une détonation sous la peau.
Son corps rejeta l’intrus.
Il vomit un filet noir sur le sol.
Puis… il se releva.
Lentement.
Mais sans trembler.
Ses yeux étaient toujours rouges.
Toujours fendus d’un éclat doré.
Mais cette fois… il hésita.
Trop de glyphes. Trop d’aura. Trop de bruit.
Je dois les trier… les lire. Pas juste les encaisser.
Dans la salle d’observation, le Guide pinça les lèvres.
Il ne disait rien.
Pas encore.
Mais dans ses pupilles, un reflet passa.
Pas de peur.
Un calcul.
il ne cligna toujours pas des yeux.
Kael… tenait encore.
Deux vagues, déjà.
Deux résistances, encaissées.
Sans renfort.
Sans équipement.
Sans relâche.
Sans logique apparente.
Il fit glisser un doigt sur l’un des cercles de contrôle.
Puis un second.
D’autres arènes s’ouvrirent devant lui.
Des profils plus calibrés.
Des candidats que la Tour elle-même avait choisis.
Pesés.
Isolés.
“Et eux… que feront-ils, maintenant ?”
Son regard se posa tour à tour sur deux silhouettes.
Pas aussi spectaculaires.
Mais… intéressantes.
Le Guide observa.
Ses doigts dansaient silencieusement sur l’interface, traçant des arabesques de données dans l’air.
Kael…
n’était plus le seul à mériter son attention.
D’autres faisaient plus que survivre.
Ils se transformaient.
Gravyor
Le champ de l’arène vibrait encore des cris de la première vague.
Mais autour de lui… silence.
Pas un corps au sol.
Pas un souffle d’ennemi.
Les gremlins restants… s’étaient effacés.
Fuyant, rampant, ou dissimulés.
Gravyor se tenait droit, bras écartés, les doigts légèrement fléchis.
Comme s’il voulait étreindre le vide.
Son regard…
était toujours le même.
Vide.
Cruel.
Mais calme.
Autour de lui, l’air semblait plus lourd, comme si chaque mètre de terrain était devenu hostile à tout ce qui respirait la peur.
Puis il bougea.
Un pas.
Puis un second.
Et l’un des gremlins sortit brusquement de l’ombre, hurlant comme un fou, sa lame tremblante à la main.
Gravyor ne fit que le regarder.
L’instant d’après, la créature s’effondra en se tenant la tête, comme brûlée de l’intérieur.
"Oppression mentale par saturation émotionnelle."
"Aura de l’Effroi, stabilisée."
Le Guide cliqua lentement.
“Il ne réfléchit pas. Il imprime.”
“Effet stable. Brutal. Instinctif.”
Kiyoshi
Ailleurs, dans une autre arène, le silence était… différent.
Plus pur.
Plus profond.
Kiyoshi était assis.
Jambes croisées.
Yeux clos.
Autour de lui, les gremlins tournaient.
Sans comprendre.
Sans oser.
Un fin cercle de cendre s’était dessiné autour de lui, par simple friction du frottement de son kimono sur la poussière.
Il ne parlait pas.
Mais à chaque inspiration, l’air autour vibrait doucement, comme en accord avec sa respiration.
Puis l’un d’eux s’approcha.
Trop.
Un simple froncement de sourcils.
Et le gremlin chancela.
Comme repoussé par une onde invisible.
Kiyoshi ouvrit les yeux.
Aucun éclat surnaturel.
Juste…
… la paix.
Mais dans cette paix, le Guide lut un contrôle absolu.
“Méditation défensive active. Harmonisation partielle ?”
Cet esprit n’est pas celui d’un combattant.
Mais d’un sanctuaire
