Ficool

Chapter 13 - brisées les limites | dernière partie

Falone suivit Murielle dans la cuisine. Un silence léger flottait entre elles, jusqu'à ce que Falone se décide à parler :

— « Il a beaucoup changé, monsieur Roger… »

Murielle hocha lentement la tête tout en continuant a marcher, le regard perdu dans le vide.

— « Oui… La mort de Marcus a été un tournant décisif pour lui. »

Falone fronça légèrement les sourcils, le visage comme pâle . Elle pris un petit élan de courage et répliqua :

— « Marcus… C'est le garçon au centre de la photo de classe, c'est ça ? »

— « Oui. » répondit Murielle avec une pointe de mélancolie. « Il n'aimait pas vraiment les photos. Celle-ci… c'est la seule que nous avons. Elle date de peu de temps avant sa mort. »

Un sourire fragile se dessina sur son visage tandis qu'elle se baissait pour sortir un gâteau du four. La chaleur se répandit dans la pièce, adoucissant un instant l'atmosphère. Après l'avoir posé sur le plan de travail, elle reprit doucement :

— « Je n'étais pas sa mère biologique. Mais dès le premier jour où Roger me l'a présenté… il m'a appelée maman. Tu sais, je me suis sentie mère à ce moment-là. Alors que moi… je ne pouvais pas concevoir. »

Elle parlait calmement, mais la douleur transparaissait dans ses mots.

Puis, brisant légèrement cette gravité, elle changea de sujet :

— « Mais parlons plutôt de toi et de GRÉY… Votre histoire, ça avance ? » demanda-t-elle, un léger sourire au coin des lèvres.

Falone secoua la tête en détournant un peu le regard.

— « Non, quelle histoire ? Il n'y a pas d'histoire… C'est juste un ami. Ouais… un ami. »

Mais Murielle avait remarqué ce sourire discret, presque imperceptible, qui s'était esquissé sur les lèvres de Falone.

— « Falone, je suis une femme avant tout. Je sais quand une fille n'est pas indifférente à un homme… Et je vois bien que GRÉY ne te laisse pas insensible. Pas hier, pas aujourd'hui. Alors, dis-moi tout. »

Falone enfila des gants de cuisine pour l'aider à transporter le plateau du gâteau. En le saisissant, elle lâcha un petit soupir avant de répondre :

— « Je sais, mamie Murielle… Mais disons que… c'est compliqué avec lui. Et je pense que c'est mieux pour nous deux… qu'on s'arrête là. »

Elles emportèrent le plateau jusqu'au salon et le déposèrent délicatement sur la table. Falone, comme par réflexe, jeta un rapide coup d'œil à la photo de classe accrochée au mur. Pas longtemps, juste quelques secondes, mais assez pour que Murielle remarque son trouble.

— « C'est mature de ta part, et je comprends… » souffla Murielle.

Elle marqua une pause avant d'ajouter, le regard attendri :

— « Vous étiez si jeunes… mais je me souviens. Tu m'avais dit que tu voulais l'épouser. Vous n'étiez que des enfants, mais j'avais vu dans vos yeux ce que j'appelle le vrai amour. Celui qu'on ne partage pas avec tout le monde. »

Elle sourit doucement, puis continua :

— « Je sais que GRÉY est comme un fils pour moi, et je l'aime… mais je pense que toi aussi, tu l'aimes encore. »

Falone ouvrit la bouche, hésita, puis la referma. Ses mots restèrent coincés dans sa gorge, comme si elle-même doutait de ce qu'elle ressentait.

Murielle posa alors sa main sur la sienne.

— « Tu sais, je comprends ce que tu ressens. Après votre séparation, tu as enfoui tes sentiments. Tu as cru les oublier… Mais aujourd'hui, la douleur que traverse GRÉY fait ressortir ce que tu avais enterré. »

Falone resta silencieuse, le regard fixé sur le gâteau fumant.

— « Mais bon… » reprit Murielle d'une voix douce, « c'est toi qui as le choix. Alors choisis bien, ma fille. »

Elles dressèrent la table tout en poursuivant leur conversation.

— « Vous avez raison… » finit par admettre Falone, la voix légèrement tremblante. Puis elle ajouta :

— « Mais je dois y aller… J'ai quelque chose à faire. Je reviendrai une prochaine fois, et cette fois-là, nous mangerons ensemble. »

Avant de partir, elle prit une part du gâteau encore chaud. Murielle, attendrie, lui prépara une petite boîte et y glissa une portion généreuse.

---

Pendant ce temps.

Au même moment, dans un appartement à l'autre bout de la ville, Zarah, la médecin légiste, s'installait dans son canapé. Elle avait allumé la télévision, prête à plonger dans son marathon de série policière.

Comme elle travaillait tard du lundi au samedi, elle enregistrait religieusement tous les épisodes pour les dévorer le dimanche. Ce soir-là, elle portait un large pull à l'effigie de sa série préférée, un boxer rouge aux coutures jaunes, et ses cheveux étaient attachés en un chignon vite fait. Dans sa main, la télécommande ressemblait à un sceptre de reine.

— « Ma seule joie dans ce monde… regarder "Flics Cloqués" et ne penser à rien d'autre… » dit-elle en appuyant sur play.

Un sourire satisfait s'étira sur son visage quand elle lança en même temps que le héros la réplique culte :

— « Vous avez le droit de garder le silence… mais pas de gâcher ma journée ! »

L'épisode commença.

— « Tu as donné une cigarette à un enfant pour qu'il te file des infos ?! »

— « Ouais… Mais pour ma défense, ce gamin vit dans la rue. Il finira par fumer un jour ou l'autre. Je n'ai fait que rapprocher sa destinée. »

Zarah éclata de rire. Elle était plongée dans son univers, quand son téléphone se mit à sonner.

Elle jeta un regard irrité à l'écran du portable.

— « Non, pas maintenant… » murmura-t-elle.

C'était le laboratoire de la grande ville. Ils avaient terminé l'analyse de l'ADN retrouvé dans le corps de mon père. Ce fameux cheveu coincé dans son estomac déchiré.

Zarah hésita, mais le téléphone insista, sonnant sans répit. Finalement, elle décrocha, agacée.

— « Bonsoir, Cédric. J'espère que tu as une excellente raison de m'empêcher de savourer mon marathon ? »

Un petit rire répondit à l'autre bout du fil.

— « Disons que… j'ai réussi à faire analyser l'échantillon d'ADN que tu m'avais envoyé. »

Zarah sursauta presque.

— « C'est vrai ?! Oh, merci infiniment, Cédric ! »

— « De rien. Mais attention, tu me dois un rencard, maintenant. » dit-il avec un ton Legé mais vrai.

— « Ouais, ouais… Rêver ne fait de mal à personne, sauf si tu es somnambule. »

Cédric éclata de rire.

— « Fallait au moins que j'essaie, non ? »

— « Tu es incorrigible. » souffla-t-elle, amusée malgré elle. « Mais merci encore. Avec tout ce qui se passe en ce moment, les laboratoires sont saturés… »

— « Ouais, j'ai entendu dire qu'il y avait un groupe violent sur le Dark Web qui imite le tueur de la Forêt Ensanglantée. »

— « Quoi ?! Sérieusement ? C'est terrifiant ! Il faut absolument les arrêter ! Mais… je n'ai rien entendu aux infos. » demanda Zarah surprise.

Toujours avec son ton naturellement gaie Cédric répliqua :

— « Normal. La police garde ça secret pour l'instant. Et le plus fou, c'est que le créateur de ce groupe… n'est même pas dans notre pays. »

Zarah frissonna.

— « Stop, arrête avec ton histoire. Tu me files la chair de poule. Dis-moi plutôt : comment as-tu fait pour obtenir un labo disponible ? »

— « J'ai toujours mes solutions, surtout quand il s'agit de toi. »

Elle roula des yeux, mais un léger sourire trahit sa gratitude.

— « Merci… mais puisque les résultats arrivent sûrement demain, j'aimerais… faire des recherches directement dans ce laboratoire. Pour vérifier si mon intuition est bonne. »

— « Laquelle ? Mais de quoi tu parles ? » demanda Cédric, intrigué.

— « Je t'expliquerai tout, promis. Mais là, j'ai juste besoin de savoir : est-ce que je peux avoir une place là-bas ? »

— « Oui… Ok, ok ! Je vais voir ce que je peux faire. »

— « Parfait. En attendant, je vais récupérer un autre échantillon d'ADN… de celui que je soupçonne. »

Et sur ces mots, elle raccrocha, bondit hors de son canapé, et commença à s'habiller en vitesse. Quelques secondes plus tard, elle quittait déjà son appartement, déterminée.

De mon côté, les choses avançaient bien.

J'étais rentré dans la maisonnette.

Ma mère était toujours là, enchaînée, exactement comme je l'avais laissée.

Un bon signe, pensais-je d'abord.

Mais elle semblait épuisée. Elle leva à peine les yeux vers moi. Aussitôt après, elle les baissa de nouveau.

L'odeur de la pièce était devenue insoutenable : un mélange de moisissure, de sang séché et de chair en décomposition.

En observant le sol, je remarquai des marques : elle avait tenté de s'échapper. Les chaînes avaient raclé le béton, preuve de ses efforts désespérés.

Je m'approchai.

— « Maman… »

À ce mot, ses yeux s'écarquillèrent. Sa voix jaillit, brisée mais ferme :

— « Comment… Comment tu m'as appelé ?! Ne prononce plus jamais ce mot pour m'appeler ! Tu entends ?! »

Un silence lourd tomba. Puis, soudain, une quinte de toux secoua son corps fragile.

La moisissure, les restes humains, l'air vicié… tout cela semblait la dévorer de l'intérieur.

Je laissai échapper un sourire crispé.

— « C'est normal que tu sois un peu fâchée… » dis-je d'un ton calme, mais où perçait une tension glaciale.

Je me surpris à réfléchir à voix haute.

Enfermés ou libres, nous ne cherchons plus vraiment qui nous sommes. Moi, j'ai tellement changé que je ne suis plus en accord avec moi-même. Et la vérité… certaines vérités me terrifient. Pas toutes. Juste celles qui m'obligent à ouvrir les yeux. Celles qui dévoilent ce que je cache derrière ce sourire… ce sourire qui n'a même plus de destinataire. Peut-être que ce destinataire… c'est moi.

Je m'accroupis face à elle.

— « Je vais te libérer… » soufflai-je. « J'ai envie de changer. Même si… »

Je me tus net. Mon regard venait de tomber sur quelque chose : un morceau de bois pointu, dissimulé derrière son dos.

Un sourire ironique étira mes lèvres.

— « Vas-y, maman… Tue-moi. »

Elle baissa la tête. Ses mains tremblaient. Elle n'y arrivait pas.

Je penchai la tête, comme amusé.

— « Tu sais… même si tu me tues, tu mourras aussi. Je n'ai pas la clé des chaînes sur moi. Alors, tu resterais attachée ici. Tu crèverais de faim, seule, dans cet endroit que seul moi connais. »

Je marquai une pause. Mon ton changea, se fit plus doux, presque sincère :

— « Mais je veux changer. Ou… disons plutôt que je veux m'améliorer. »

Je balayai la pièce du regard.

Des corps en décomposition s'entassaient dans les coins, leurs chairs pourries nourrissant les moisissures des murs. Les blessures de ma mère s'étaient infectées au contact de cette pourriture.

Et pourtant… une part de moi trouvait là-dedans une étrange poésie.

— « La mort… » murmurais-je, « c'est une libération. Elle nous éloigne du péché, de cette vie qui n'est qu'un bourreau, faite de douleur et de peurs. »

Je fermai les yeux un instant. Mais une partie de moi voulait se reposer.

Cela faisait vingt ans que je vivais libre… Mais aujourd'hui, je voulais essayer la prison que l'on appelle « vie normale ».

Je rouvris les yeux, fixant ma mère enchaînée.

— « Car malgré tout… je pense que je vous aime. Toi, et père. Votre douleur m'a longtemps nourri… mais elle ne me procure désormais qu'une joie fade, qui disparaît aussitôt qu'elle arrive. »

Un silence s'installa. Puis, presque en soupirant, je laissai échapper :

— « Une semaine… juste une semaine. Ce serait bien de faire une pause, non ? »

Ma mère releva lentement la tête. Sa voix était rauque, tremblante.

— « Tu veux… arrêter de tuer ? » s'efforça t'elle de parler, malgré fatigue.

Je haussai les épaules.

— « J'ai pas dit ça. Mais c'est vrai que ça commence à m'épuiser. Je crois… je crois que je ne ressens plus vraiment le plaisir que ça me procurait. »

Elle inspira profondément, puis demanda :

— « Je vois… J'ai juste une question, GRÉY… Qu'est-ce qui te pousse à faire ça ? Explique-moi… et peut-être que, ensemble, on trouvera une solution. »

Je restai un moment silencieux, puis m'assis face à elle.

Je la fixai, enchaînée, la peau blafarde, les yeux encore brillants malgré la douleur.

— « Tu veux vraiment savoir ? Tu veux savoir ce qui m'a fait… briser les limites ? »

Elle acquiesça, muette.

Je pris une grande inspiration.

— « Écoute-moi bien. Si tu entends ce que je vais te dire, tu ne pourras plus jamais faire marche arrière. Tu deviendras toi aussi un monstre. »

Je me penchai vers elle, mes yeux brillants d'une intensité sombre.

— « Si je te raconte… ça signifie que tu acceptes d'être comme moi. D'être mon reflet. »

Un sourire inquiétant déforma mon visage.

Je murmurais presque :

— « Briser… »

Ma mère me regardait fixement avec un visage faible remplie de questions et de peur.

— « … les limites. » ai-je continué, comme une sentence.

Puis je relevai la tête, je m'adressant à elle… mais aussi à vous, qui écoutez.

— « Oui, c'est la vérité. Mes amis… c'est aussi votre choix. Si vous m'acceptez, alors écoutez mon histoire… et devenez comme moi. »

Ma mère était terrifier le cœur tremblant . les yeux grands ouverts.

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