Veda
Veda pénétra dans le couloir,
sa démarche assurée trahissant une confiance forgée dans l’adversité.
Âgée d’une vingtaine d’années,
cette ingénieure freelance originaire d’Afrique du Nord-Est portait sur elle les stigmates d’une vie lourde de responsabilités.
Orpheline de père,
elle portait sur ses épaules le poids de sa famille : une mère fragile et un petit frère encore enfant, qu’elle protège et soutient avec détermination.
Cette responsabilité familiale a forgé en elle un caractère passionné, sincère et parfois impulsif.
Son tempérament impétueux est autant une force qu’une faiblesse,
car si elle avance avec une fougue remarquable,
elle peut aussi se montrer brusque ou impatiente,
surtout face à l’injustice ou à la faiblesse.
Très tôt, Veda s’est révélée être une élève prodige.
Diplômée du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) avant même d’atteindre l’âge adulte,
elle s’est spécialisée dans le génie mécanique et énergétique.
Passionnée par l’innovation durable,
elle s’est rapidement imposée dans le milieu comme une ingénieure freelance capable de concevoir des systèmes automatisés complexes,
mêlant efficacité technique et respect de l’environnement.
Son parcours exceptionnel est autant une source de fierté que de pression.
Veda ressent une urgence constante à réussir,
non seulement pour elle-même,
mais surtout pour assurer la survie et le bien-être de sa famille.
Chaque projet, chaque défi est pour elle une bataille à mener
pour prouver qu’elle peut s’élever au-dessus des limitations imposées par ses origines modestes.
Malgré son intelligence vive et sa capacité à résoudre des problèmes complexes,
Veda ne cherche pas à s’intégrer dans un système rigide.
Elle déteste les règles imposées sans raison
et préfère tracer sa propre voie,
souvent en défiant l’autorité ou les conventions.
Cette attitude lui attire autant d’admiration que d’hostilité,
mais elle avance sans se soucier du regard des autres.
Son franc-parler est direct, parfois brutal,
mais toujours sincère.
Elle est une force de la nature,
prête à tout pour défendre ses convictions,
même si cela signifie prendre des risques
ou affronter des ennemis plus puissants.
Dans son regard brûle une flamme inextinguible —
celle d’une femme qui a connu la perte,
la responsabilité,
mais qui refuse de céder.
Elle est à la fois une ingénieure brillante,
une protectrice dévouée,
et une guerrière née,
prête à affronter les épreuves qui l’attendent.
Veda se retrouva subitement dans un couloir brusquement plongé dans une obscurité épaisse,
à peine éclairé par une faible lueur bleutée qui semblait flotter dans l’air.
Elle avançait prudemment,
chaque pas résonnant contre les murs froids.
Son regard vif balayait l’espace, tendu et méfiant.
Puis sentit son cœur s’accélérer tandis que l’air se refroidissait autour d’elle.
Chaque bruit paraissait amplifié dans le silence pesant du couloir.
Alors qu’elle avançait,
une silhouette se dessina devant elle,
émergeant lentement de l’ombre.
Un homme, vêtu d’un manteau sombre,
immobile et mystérieux,
la fixait intensément.
— Qui êtes-vous ? demanda-t-elle,
la voix ferme mais teintée d’une pointe d’incrédulité.
— Que voulez-vous ?
Le silence pesa un instant,
puis la voix profonde de l’homme répondit calmement :
— Je suis celui qui vous guidera dans ce qui vient.
Elle plissa les yeux, méfiante,
cherchant à déceler une vérité cachée derrière ces mots.
— Vous êtes un étranger,
je ne vous connais pas.
Pourquoi devrais-je vous faire confiance ?
L’homme ne répondit pas tout de suite,
son regard perçant semblant sonder son âme.
Puis, doucement :
— La confiance se gagne,
mais le temps vous forcera à revoir votre jugement.
— Vous parlez de préparation,
mais pour quoi exactement ? demanda Veda, fronçant les sourcils.
— Quel est ce chemin dont vous parlez ?
Le Guide croisa les bras,
son regard perçant pesant sur elle.
— C’est une route que vous allez devoir parcourir.
Une route semée d’obstacles, de choix, de dangers.
Veda pencha la tête, intriguée.
— Une route... une épreuve, peut-être ?
Le Guide esquissa un sourire énigmatique.
— On peut l’appeler comme vous voulez.
Ce qui importe,
c’est ce que vous en ferez.
Elle haussa les épaules,
son tempérament impétueux reprenant le dessus.
— J’aime les défis.
Plus ils sont grands,
plus je suis prête à les affronter.
Le Guide hocha la tête, satisfait.
— Très bien.
Mais sachez que la volonté seule ne suffit pas toujours.
Vous devrez apprendre à faire preuve de patience,
de discernement,
et de résilience.
Un silence s’installa,
lourd de promesses et de mystères.
— Et quand cette route commencera-t-elle ? demanda Veda,
le regard brillant de curiosité.
— Quand le temps sera venu.
Vous saurez le reconnaître.
Puis, comme un rideau se levant sur une scène inconnue,
le Guide ouvrit une faille lumineuse dans l’air.
— Le moment est venu.
Il tendit la main vers elle.
— Prête ou non,
vous entrez dans une nouvelle réalité.
Veda hésita un instant,
puis saisit sa main,
prête à affronter l’inconnu.
Adam
Adam, âgé d’environ trente-cinq ans,
est un archéologue américain dont la vie est un mélange turbulent de passion,
de contradictions
et de luttes intérieures.
À première vue, il incarne le charmeur sarcastique,
capable de plaisanter dans les situations les plus tendues.
Son sourire désinvolte et ses remarques acérées sont autant de masques
pour dissimuler une douleur profonde
et un sentiment d’insécurité qu’il peine à maîtriser.
Depuis son plus jeune âge,
Adam est animé par une curiosité insatiable pour les mystères enfouis,
tant dans les ruines anciennes que dans les secrets de sa propre histoire.
Cette quête l’a conduit à arpenter des sites périlleux,
à défier la mort à maintes reprises,
mais aussi à affronter des trahisons douloureuses.
Son métier d’archéologue-pilleur le place souvent en marge
entre la science rigoureuse et les intérêts plus obscurs,
ce qui nourrit son cynisme
et son scepticisme envers le monde.
Sous cette façade complexe,
Adam porte un fardeau émotionnel lourd :
un sentiment de ne jamais être à la hauteur,
une blessure cachée liée à son passé
et à ses relations ratées.
Ce complexe d’infériorité alimente ses excès,
ses colères brusques,
mais aussi ses élans de générosité
et de loyauté envers ceux qu’il considère comme des alliés véritables.
Il est à la fois un survivant aguerri
et un homme en quête de rédemption,
oscillant constamment entre son désir de comprendre le passé pour sauver son avenir,
et la peur de perdre ceux qui lui sont chers.
Malgré ses défauts et ses doutes,
Adam possède un courage indéniable,
une résilience remarquable
et une capacité à s’adapter rapidement aux situations les plus extrêmes.
Sa dualité fait de lui un personnage imprévisible,
parfois irritant,
mais toujours profondément humain.
Le bar était presque vide.
Une lumière jaunâtre pendait du plafond, grésillante, comme à bout de souffle.
Une vieille radio murmurait des notes oubliées d’un jazz sans nom.
Le comptoir était collant.
L’air, saturé d’alcool tiède et d’échec.
Adam en était à son cinquième verre.
Ou le dixième.
Il avait cessé de compter depuis que les souvenirs avaient recommencé à frapper.
Il riait seul, parfois.
Un rire creux.
Une façon de ne pas hurler.
— T’as vu ça, Kael ?
Je suis encore vivant.
Tu devrais être fier, hein ?
Il fixa son reflet dans le fond du verre.
Un visage flou, bouffi,
l’œil vitreux,
la mâchoire tendue comme une corde prête à rompre.
Il revoyait leurs débuts.
La rencontre.
La faim.
Les galères.
Puis la force de Kael.
Inexplicable.
Intolérable.
Ce gars avait tout : le charisme,
le pouvoir,
la malédiction même —
mais elle lui allait comme une couronne d’épines.
Et lui, Adam,
n’était qu’un témoin.
Un figurant.
Un souvenir flou dans l’histoire d’un prodige.
Et pourtant,
il avait toujours été là.
Toujours.
Alors pourquoi sentait-il qu’il n’avait jamais compté ?
Il abattit un poing sur le comptoir.
L’écho sonna faux.
Le barman ne bougea pas.
En fait… il n’était plus là.
À sa place, un homme.
Costume noir.
Gants de soie.
Regard mort.
Le Guide.
— Adam Loren.
La voix était calme.
Trop calme.
Adam le fixa, vacillant.
— Quoi… qui t’a permis de me… hein ?
J’t’ai pas appelé !
— C’est l’heure.
— L’heure de quoi ?
De quoi, putain ?!
Je suis pas prêt, ok ?!
Je suis pas lui !
Le Guide le regarda longtemps.
Puis dit, presque avec pitié :
— Malgré votre potentiel,
vous ne lui arrivez pas à la cheville.
C’est décevant.
Un silence.
Long.
Étouffant.
Adam ne comprit pas tout de suite.
Puis le sens des mots le frappa.
Il éclata d’un rire douloureux, haché.
— De qui tu parles, hein ?
Dis-le. Vas-y. Dis-le !
Le Guide n’avait pas besoin de répondre.
Adam le savait déjà.
— De Kael.
Et là, quelque chose céda.
— Putain de merde !
J’en ai marre de ce nom !
Kael par-ci, Kael par-là !
J’ai saigné avec lui, bordel !
J’ai risqué ma vie pour lui !
Et tout ce que j’obtiens, c’est quoi ?
Des comparaisons de merde ?!
Des regards pleins de pitié ?!
Il se leva, tituba,
pointa un doigt tremblant vers le Guide.
— Qu’il aille se faire foutre,
lui et sa putain d’aura de héros.
C’est qu’un monstre déguisé en prophète !
Un putain de parasite avec des yeux trop brillants !
Un claquement sec.
Pas de bruit.
Mais le Magia était là.
Le Guide leva un doigt.
Et l’alcool disparut.
En un instant, Adam revint à lui.
Sobre.
Trop lucide.
Il se vit.
Il entendit ses propres mots.
Il sentit son âme reculer d’horreur.
— N… Non… Je…
Je retire… Je…
— Trop tard.
Le Guide le fixa, froid.
— Tu veux que j’oublie ?
C’est possible.
Mais rien n’est gratuit ici.
Adam s’effondra à genoux.
— Je vous en supplie… faites-moi oublier.
J’étais… brisé.
Je suis personne.
— Alors tu me devras une faveur.
Une vraie.
Une que tu regretteras peut-être.
— J’accepte…
Je ferai ce que vous voudrez…
juste…
ne lui dites rien.
Le Guide tendit la main.
Une faille s’ouvrit.
Noire.
Féroce.
Silencieuse.
— Relève-toi.
Tu es toujours sélectionné.
Adam, les jambes tremblantes, avança vers la lumière noire.
Chaque pas résonnait comme une condamnation.
Avant de disparaître, il murmura, pour lui-même :
— Je voulais juste être ton ami, Kael…
Et la faille se referma.