Gravyor
Orphelin depuis l’âge de sept ans, Gravyor fut placé en orphelinat jusqu’à ses dix-sept ans, après que ses parents aient été assassinés.
Les horreurs qu’il a vues, notamment la souffrance d’enfants de tous âges, ont forgé en lui une règle absolue :
— Quiconque fait du mal à un enfant,
quel que soit son genre,
son âge ou ses origines,
doit se préparer à recevoir ma visite quand il s’y attendra le moins.
Cette règle est devenue sa boussole,
la ligne rouge qu’il ne franchit jamais.
Sans pitié envers ceux qui brisent l’innocence,
il est prêt à tout pour les protéger,
même si cela signifie plonger dans l’ombre la plus noire.
Dans l’ombre épaisse d’un couloir sombre, Gravyor dominait une silhouette impuissante.
D’une seule main ferme, il agrippait une ordure — un autre candidat, ou peut-être un simple déchet humain — par la gorge, le soulevant du sol avec une facilité déconcertante.
Son regard froid, acéré comme une lame,
ne laissait place à aucune pitié.
Son autre main brandissait une dague courte, incurvée et gravée de runes anciennes,
luisant d’un éclat inquiétant.
Sans hésitation, il planta la lame sous la mâchoire de sa proie,
la faisant remonter en un geste précis et fatal,
transperçant le crâne jusqu’au sommet dans un craquement sinistre.
Un murmure guttural s’éleva derrière lui.
Le Guide, adossé contre un mur, laissa échapper un gémissement presque de plaisir.
— Intéressant...
Je ne m’attendais pas à trouver quelqu’un à la hauteur, à part Kael.
Gravyor fronça les sourcils, surpris.
— Kael ? Qui est-ce ? demanda-t-il, la curiosité piquée.
Le Guide sourit, un éclat froid dans les yeux.
— Je respecte peu d’individus… et Kael est l’un d’entre eux.
Curieux, Gravyor demanda d’une voix basse et posée :
— Parle-moi de ce Kael.
Qu’a-t-il pour que tu l’estimes ainsi ?
Le Guide sourit de nouveau.
— Kael...
C’est un des rares à comprendre que la vraie force ne réside pas seulement dans la puissance,
mais dans la volonté de se battre pour quelque chose de plus grand que soi.
Respecté, même par moi.
Tu en fais désormais partie.
Je ne sais pas vraiment ce que signifie clairement être respecté par toi,
on ne se connaît pas et tu débarques de nulle part.
Tu peux comprendre, n’est-ce pas ?
Sinon, même si ma curiosité a été attisée,
dis-moi ce que tu me veux.
Car j’imagine que c’est pour moi que tu es là,
et non pour cette ordure gisant au sol.
— Oh ?
Qu’est-ce qui te fait penser cela ?
Je suis curieux.
— C’est assez simple.
Si tu avais été avec lui, il y aurait eu deux possibilités :
la première, essayer de l’aider ;
la deuxième, profiter de sa mort pour prendre ce qui lui appartient.
Mais en même temps, tu aurais dû aussi supprimer les témoins.
La seconde option est ce que tu m’as montré depuis le début.
On aurait dit une présentation.
Le début d’un grand événement.
Tu ressemblais plus à un prédateur savourant la vue d’un autre chassant sa proie.
Ça en était presque flippant, haha.
— Admirable !
Tu es encore plus impressionnant que je ne l’aurais cru.
J’ai hâte de voir ce que tu accompliras,
si tu restes en vie, bien sûr.
— Euh... sinon,
tu comptes me dire pourquoi tu es là ?
— Oh oh.
Tu as la langue bien pendue.
Ne confonds pas mon respect pour tes capacités avec celui que je porte à ta race,
car être pathétique,
vous me dégoûtez.
À ce moment-là,
ces mots à eux seuls — puissants, emplis de gravité cosmique déchaînée —
plaquèrent Gravyor au sol.
Comme si la gravité autour de lui avait décuplé.
Gravyor le regarda avec un sourire frustré,
tentant de redresser la tête vers lui,
et lui dit d’un air sarcastique :
— Tu as fini de jouer ?
Je n’ai pas que ça à faire.
J’ai encore du boulot,
donc soit tu me tues, soit tu me libères,
mais il serait temps que tu fasses un choix !
Le Guide hurla de rire.
Un rire étrange, sadique.
Empreint de malveillance,
de désir...
et d’une pulsion meurtrière mal contenue.
— Magnifique.
Non, splendide !
Un spécimen tel que toi dans cette espèce inférieure...
cela en fait déjà deux.
J’ai hâte.
Vraiment hâte.
Sache qui je suis
et pourquoi le respect m’est dû, Gravyor.
À cet instant précis,
Gravyor fut choqué.
Le fait que cette personne l’appelle par son nom,
au lieu d’“inférieur” ou “insecte”,
lui montrait clairement le respect qu’il lui portait désormais.
En retour,
Gravyor fit de même,
et parla avec respect.
— Je vous écoute,
dit-il d’une voix calme,
le regard perçant et attentif.
— Bien.
J’aime ce regard.
Je suis le Guide,
assigné par l’Axe Cosmique à ce monde pour vous tutorer.
Ma première mission est de ramener à l’Axe Cosmique
les potentiels Conquérants,
ayant été marqués pour passer l’épreuve
donnant accès à l’Axe lui-même.
Et avant que tu ne le demandes :
vous n’avez aucun choix.
Gravyor sentit la pression de la gravité retomber lentement.
Mais son esprit restait en alerte.
Il fixa le Guide,
cherchant à percer les mystères de cet être
qui, malgré sa cruauté évidente,
lui accordait un respect rare.
Le Guide esquissa un sourire énigmatique,
ses yeux brillant d’une lueur glaciale.
— L’Axe est bien plus qu’un simple lieu ou une entité.
C’est une force primordiale.
Un point de convergence des volontés
et des destins.
Ceux qui réussissent ses épreuves
gagnent bien plus qu’un simple pouvoir :
ils deviennent partie intégrante de l’équilibre cosmique.
Gravyor fronça les sourcils,
l’esprit en alerte.
— Ces épreuves…
qu’attendent-elles de nous ?
— La force brute.
L’intelligence.
La résilience.
Mais surtout : la volonté.
Beaucoup échouent
car ils n’acceptent pas de se dépasser,
ou parce qu’ils sont incapables de faire face
à ce qu’ils sont vraiment.
Le Guide fit un pas vers Gravyor,
son regard perçant transperçant la pénombre.
— Vous, par exemple...
Vous portez un fardeau.
Une colère.
Mais aussi une loyauté rare.
Ce sera votre plus grande arme…
et votre plus grande faiblesse.
Gravyor serra les poings.
Un éclat nouveau dans ses yeux.
— Je n’ai jamais fui mes démons.
Je les affronterai,
peu importe le prix.
Un silence.
Solennel.
Une promesse tacite entre deux âmes guerrières.
Curieux, Gravyor reprit,
d’une voix ferme et posée :
— Alors dites-moi.
Comment comptez-vous nous faire affronter cette épreuve ?
Où se trouve cet Axe dont vous parlez ?
Quel genre d’épreuve nous attend ?
Le Guide éclata d’un rire profond,
presque moqueur.
— Vous êtes pressé, Gravyor.
Mais sachez que l’Axe ne révèle pas ses secrets à la hâte.
Les choses viendront à vous,
en leur temps.
Quand vous serez prêts.
Vous saurez alors,
sans qu’on ait besoin de vous l’expliquer.
— La patience
est une arme aussi puissante que l’acier.
Et dans cette épreuve,
elle sera souvent votre meilleure alliée.
Le Guide fit un pas en arrière,
son regard toujours rivé sur Gravyor,
comme pour défier sa détermination.
— Pour l’instant,
ce que vous devez faire...
C’est survivre à ce que vous avez sous les yeux.
Tout le reste viendra.
En son heure.
Il marqua une pause.
Puis s’approcha à nouveau.
— Avant que vous ne partiez affronter votre épreuve,
un dernier soin s’impose.
D’un geste lent,
il posa sa main gantée sur le bras blessé de Gravyor.
Une lumière sombre et ondulante,
presque vivante,
s’en échappa,
enveloppant la blessure.
Gravyor écarquilla les yeux.
Choqué.
— Qu’est-ce que… ?
C’est la première fois que je vois une telle magie.
Le Guide esquissa un sourire froid.
— Ce n’est pas une magie ordinaire.
C’est le Magia .
Un pouvoir qui guérit,
mais qui laisse une marque.
Tu devras apprendre à le maîtriser.
Alors que la blessure se refermait rapidement,
une fracture dimensionnelle s’ouvrit soudain dans l’air.
Elle déchira l’espace
comme un voile fragile.
Le Guide fixa Gravyor
avec intensité.
— Le temps est venu.
D’un mouvement sûr,
il attrapa Gravyor par le bras
et le tira vers la faille.
Un ultime regard.
Une promesse silencieuse.
Puis ils disparurent ensemble,
dans la lumière vacillante
du passage dimensionnel.