Ficool

Chapter 21 - 18e Echo : Ombre & Lien

Kael ne répondit pas.

Il fixait toujours la rune.

Une partie de lui comprenait, instinctivement, que ce n’était pas une simple activation mécanique.

Il n’avait pas “utilisé” un mécanisme.

Il avait été reconnu.

Puis soudain, dans l’esprit de Kael, Thana commença à ricaner doucement.

— Oh... c’est lui.

Je me demandais où il était passé, ce petit glouton.

Kael, encore tremblant, fronça les sourcils.

— Lui… qui ça, “lui” ?

— Un ancien familier. À moi.

Il m’a accompagnée pendant longtemps… avant que tout ne bascule.

Il adore le Magia noir.

Le tien lui rappelle… moi.

« Ce n’est pas une créature indépendante… mais un écho de moi, scellé dans un fragment. Il te reconnaît comme prolongement. »

Kael observa l’ombre lovée sur son épaule, absorbée dans son tatouage comme dans un cocon noir veiné de lumière.

— …Et maintenant ? Il est… avec moi ?

Thana sourit à nouveau, plus malicieusement encore.

— Disons qu’il te suit.

Il t’aime bien.

Ou du moins, ton goût lui plaît.

Ne le gave pas trop…

il devient capricieux quand il est rassasié.

Kael baissa les yeux vers son bras.

Le tatouage avait grandi.

Une nouvelle ramification noire courait depuis l’épaule jusqu’à la base de la paume, comme une veine vivante.

Il était lié, à présent.

Non pas à une bête...

mais à un fragment ancien de Thana elle-même.

Kael souffla un bon coup.

Le silence était revenu, lourd mais stable.

Adam ne disait plus rien, comme s’il avait peur de briser cet équilibre fragile.

Ce fut Kael qui rompit l’immobilité, attiré par un éclat discret au pied d’un autel fendu.

Il s’approcha et écarta quelques fragments de pierres éboulées.

Un coffret d’obsidienne, finement sculpté, reposait là, à demi-ouvert.

À l’intérieur, deux objets.

Le premier :

une bande de tissu noir mat, soyeuse mais lourde dans la main, brodée de fils argentés presque invisibles.

Quand Kael la toucha, une sensation froide remonta son bras gauche.

Il la sentit entrer en résonance avec son tatouage, et aussitôt, le flux de son Magia sembla disparaître, comme s’il n’existait plus.

Thana murmura dans son esprit :

— Un voile d’ombre. Très rare.

Il ne t’effacera pas du monde, mais il dissimulera ta trace…

aux yeux des bons chasseurs.

Kael l’enroula lentement autour de son bras,

et le tatouage sembla disparaître sous sa surface.

Puis il prit le second objet :

un anneau de cuivre noir, incrusté d’un seul éclat rouge, minuscule mais vibrant.

À peine l’eut-il glissé sur son majeur qu’un petit souffle d’air le traversa.

Comme si une porte invisible s’était ouverte quelque part, juste assez grande pour accueillir des fragments d’existence.

— C’est… quoi, ça ? demanda Adam, en s’approchant.

Kael plissa les yeux.

— Une poche.

— Une poche ?

— Dimensionnelle.

Il laissa tomber une petite relique métallique dans sa main, la reposa sur le sol,

et d’un geste mental instinctif, l’absorba dans l’anneau.

Elle disparut sans bruit.

Adam haussa les sourcils, soufflé.

— Ok. Là, je suis jaloux.

Adam s’était assis en tailleur près de l’autel, toujours secoué.

Il observait Kael en silence, alors que celui-ci inspectait les objets restants dans le coffret.

Après un long moment, ce fut Adam qui prit la parole, sans lever les yeux :

— T’as le droit de m’en vouloir, tu sais.

Kael resta silencieux.

Il venait de sortir un étrange pendentif brisé dont la chaîne vibrait faiblement.

— Je te traite comme un gosse… mais tu n’en es plus un.

T’es adulte. Tu fais tes choix.

Et moi, je me contente de les réparer à chaque fois.

Adam serra les dents, puis soupira.

— T’as raison. J’agis comme un crétin.

J’ai toujours voulu prouver que je pouvais faire aussi bien que toi…

Mais t’as pas besoin de faire aussi bien que moi.

T’as besoin de faire mieux que ce que tu crois être capable de faire.

Kael se redressa, le regard posé sur lui, calme mais intense.

— Dans un temple comme celui-ci, une erreur peut nous coûter la vie.

L’émerveillement, c’est un luxe qu’on n’aura pas toujours.

Adam hocha la tête, penaud.

— T’as sauvé ma peau. Encore une fois.

Alors voilà… prends les devants.

Choisis trois objets, ceux que tu veux.

On fouillera le reste ensemble après.

Kael le fixa, étonné, presque attendri.

— Et toi ?

— J’me contenterai de pas finir empalé, répondit Adam avec un sourire de travers.

Kael eut un rictus discret.

— Deal.

Il désigna les trois premiers :

Le voile noir, qu’il noua définitivement autour de son bras.

L’anneau dimensionnel, déjà activé.

Et une petite fiole d’un liquide doré, encore indéchiffrable, qu’il glissa dans sa poche avec un air méfiant.

Alors qu’il finissait de ranger les objets, son regard fut attiré par le fond de la salle.

Un mur qui semblait, à première vue, parfaitement lisse…

mais qu’il percevait différemment.

L’Œil.

Il s’approcha lentement, posa la main sur une dalle.

Une onde s’en dégagea, presque douce.

— La sortie est là.

Adam cligna des yeux, incrédule.

— Sérieux ? Comment t’as…

— Je l’ai sentie.

La dalle vibra, se souleva lentement dans un grondement ancien, révélant un escalier de pierre descendant dans l’obscurité.

Mais aussitôt, un souffle sec et rauque s’engouffra dans la pièce.

— C’est quoi ce bruit ? demanda Adam.

Kael plissa les yeux.

— Du sable.

Un instant plus tard, une vague de sable fin jaillit depuis l’ouverture, comme libérée d’un sas scellé depuis des siècles.

Elle roula sur le sol en vagues épaisses, enveloppant les dalles, les piédestaux, les fresques.

Leurs traces de pas s’effacèrent en quelques secondes.

Adam recula, surpris.

— Le temple... il efface tout ?

Kael, immobile, observa la salle se recouvrir lentement d’or pâle.

— Il enterre ce qu’il a donné.

Et referme ce qu’il a ouvert.

Il tourna les talons, descendant lentement les premières marches.

Adam, encore figé, jeta un dernier regard à la chambre au trésor.

— C’était pas qu’un piège, hein ?

— Non, répondit Kael.

C’était une épreuve.

Et derrière eux, le sable continuait de tomber, recouvrant le silence d’une chape millénaire.

Kael franchit la première marche, suivi d’Adam, encore marqué par les événements.

Derrière eux, le sable continuait de couler lentement,

couvrant les fresques,

les offrandes,

leurs traces.

Comme si le lieu refusait de garder la mémoire de ceux qui avaient survécu.

Puis, un dernier grondement sourd résonna.

La dalle, lentement, commença à se refermer sur l’entrée de la salle.

Kael jeta un regard en arrière.

Et, juste avant que la lumière ne disparaisse, il crut voir…

le tatouage de son bras pulser doucement, en écho.

Comme si quelqu’un — ou quelque chose — leur disait adieu.

Un adieu ancien.

Lointain.

Mais pas sans importance.

Puis, le silence.

Et la pierre se referma.

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