Le lendemain, je me prépare pour aller à l'entreprise. Même si j'ai bien l'intention de démissionner, je dois encore y aller, à contrecœur. Tant que cela n'affecte pas mon travail, je me fiche complètement de Rensley.
La journée suit son cours. Brusquement, Rensley entre dans mon bureau sans frapper. Il verrouille la porte, ferme les fenêtres une à une. Mon cœur s'accélère. Je me lève d'un bond, nerveuse, et je me mets de côté, méfiante.
— Que veux-tu faire ? je lui demande en fronçant les sourcils.
Il ne répond pas. Il s'avance droit vers moi, lentement, tout en retirant son col. Je recule jusqu'à heurter le bureau. Il s'approche davantage. Je sens mes jambes trembler.
— Que vas-tu faire ? je répète, la voix incertaine.
Ses yeux plongent dans les miens, et il me répond lentement, d'un ton lourd de sous-entendus :
— Un homme et une femme seuls dans une pièce... Que penses-tu qu'ils vont faire ?
Je secoue la tête, recule encore un peu, même si je suis déjà coincée.
— Ne t'approche pas de moi, sinon je vais crier !
Il ricane, moqueur.
— Vas-y, crie. Crie à l'aide ! On va voir si quelqu'un t'entend... et surtout, si quelqu'un vient te sauver.
Mon cœur cogne fort contre ma poitrine. Il approche ses lèvres pour m'embrasser. Je tourne vite la tête à droite. Il insiste, tente à nouveau, je tourne cette fois à gauche. Agacé, il me saisit par le menton et force mon visage vers lui. Ses lèvres touchent les miennes. Je me débats, tente de le repousser, en vain. Il est plus fort. Alors, je n'ai pas d'autre choix : je le mords. Fort.
Il recule soudain, surpris. Du sang perle sur sa lèvre inférieure. Il la touche du doigt et la regarde, abasourdi. J'en profite. Ma main part d'un coup sec : une gifle violente traverse son visage.
— Voyou ! je crie, furieuse.
Il se tourne lentement vers moi, un sourire ironique aux lèvres malgré la trace rouge sur sa joue.
— Maylidjy... es-tu un chien ? Pourquoi mords-tu les gens ? Tu viens d'un zoo, peut-être ?
Je le fixe avec colère. Je ne réponds pas.
Son regard se durcit. Il me scrute longuement, puis, d'un ton presque calme, il demande :
— Tu me détestes vraiment à ce point ?
D'un ton indifférent, je lui réponds :
— Je déteste juste qu'un étranger me touche.
— Étranger ?
Il répète le mot en ricanant, moqueur.
— Quelle partie de ton corps n'ai-je pas touchée, Maylidjy ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu veux dire que je suis sale, n'est-ce pas ?
— Je n'ai jamais dit ça !
— Alors, explique-moi. Quel est le sens de ta phrase ?
Je le repousse, la gorge serrée mais la voix ferme :
— Monsieur Luc, nous avons rompu. Veuillez vous respecter… et garder vos distances avec moi.
— Je ne suis pas d'accord.
— Pas d'accord avec quoi ?
— Je suis contre cette idée de rupture.
Je souffle, exaspérée par son entêtement.
— Une relation, ça se fait à deux. Si je ne veux plus, c'est mon droit. On n'est pas compatibles, Rensley. C'est aussi simple que ça.
Il serre les mâchoires. Son regard s'assombrit.
— Maylidjy ! Mon cœur n'est pas une pièce dans laquelle tu peux entrer et sortir à ta guise ! Je ne veux pas de cette rupture.
Je prends une grande inspiration, mes doigts tremblent. Je le regarde droit dans les yeux.
— Rensley… et si je te disais que ce test de paternité est faux… me croirais-tu ?
Il me fixe longuement. Le silence devient lourd.
— Si c'est vrai… pourquoi tu ne me l'as pas dit hier ?
Je baisse les yeux.
— Il y a quelqu'un… quelqu'un qui veut absolument que tu ignores la vérité.
Il m'attrape soudain par les épaules, me secoue doucement, son regard brûlant planté dans le mien.
— Qu'est-ce que tu essaies de dire, exactement ? Tu veux dire que Sleydjy est mon fils biologique ?
— Je…
— Réponds-moi, Maylidjy. Et ne me mens pas, je t'en prie.
Je ferme les yeux, serre les poings, puis murmure :
— Oui. C'est ton fils.
Un souffle court sort de ses lèvres. Il reste figé.
— Pourquoi… pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?
Je relève lentement la tête.
— Je n'avais pas le choix. Tu viens d'une des familles les plus puissantes du pays. Tu es un Luc, un héritier, un homme dont le nom seul impose le respect et la peur. Moi… je viens d'un milieu modeste. Rien à voir avec ton monde.
Je marque une pause, la voix nouée.
— Ta famille n'aurait jamais accepté notre mariage. Et après ce qu'il s'est passé entre nous, je savais ce que tu pensais des femmes. Tu as toujours été dur… presque cruel. Je ne voulais pas que tu compliques encore plus ma vie. Alors je suis partie.
Je lève les yeux vers lui, des larmes au bord des cils.
— Et c'est après mon départ que j'ai appris que j'étais enceinte. Quand je suis revenue au pays, je n'avais aucune intention de te revoir. Mais je ne savais pas que j'allais devenir ta secrétaire personnelle.
Je laisse échapper un rire nerveux, presque amer.
— Et quand on s'est remis ensemble… j'ai voulu te le dire. Mais je ne savais pas comment. J'avais peur. Peur de ta réaction. Peur de ce que tu allais faire.
Rensley ne dit rien. Ses mains quittent mes épaules. Il me regarde avec une douceur rare, presque inattendue. Puis il approche lentement et pose ses lèvres sur mon front.
— Même s'il était le fils d'un autre, je t'aimerais quand même.
Je relève la tête, abasourdie.
— Rensley…
Il me serre contre lui, doucement, avec une chaleur que je n'ai jamais connue chez lui.
— Peu importe ton passé, ou même le genre de personne que tu es… tant que c'est toi, je suis prêt à l'accepter. Ce que je veux, c'est la vérité. Je veux que tu sois honnête avec moi. Ne me cache rien. Je peux tout entendre, mais pas le mensonge.
— Je suis désolée, Sley… tellement désolée.
Il caresse mes cheveux et murmure :
— Tu n'as pas à t'excuser. C'est de ma faute. C'est moi qui ne t'ai pas protégée. J'aurais dû être là pour toi. J'aurais dû comprendre.
— Au fait, je t'ai pas dit… j'ai entendu Carline parler au téléphone. Je crois que c'est elle qui a modifié le rapport.
— Tu crois ?
— Bien sûr ! J'étais chez ton grand-père la veille, et je l'ai entendue clairement. Elle disait que tout devait rester secret et qu'il ne devait jamais savoir la vérité.
— D'accord, ne t'inquiète pas. Je m'en charge.
Nous échangeons un regard complice, puis un baiser doux. Après le travail, il me ramène chez moi. En arrivant, il descend de la voiture, moi aussi. On reste quelques instants devant chez moi, silencieux.
— Je m'en vais, dis-je doucement.
— Hmmm.
— Bonne soirée !
— Hmmm. Prends soin de toi.
— Hmmm...
Un sourire discret traverse nos lèvres, puis chacun rentre chez soi.
Le lendemain, je vais au bureau comme d'habitude. À peine installée à mon poste, Carline surgit. Elle me fixe, surprise, presque choquée.
— Maylidjy ! Qu'est-ce que tu fais ici ?
Je me tourne vers elle calmement.
— Si je ne suis pas ici, tu penses que je devrais être où ?
— Je te reconnais bien là. T'as aucune honte, hein ? Tu t'es encore servie de ton corps, pas vrai ? T'es habituée à séduire les hommes… et t'as réussi à avoir Mr Luc dans tes filets. Évidemment que t'allais pas laisser partir un aussi gros poisson !
Elle hausse la voix pour que tout le monde entende.
— Venez voir ! Tout le monde ! Écoutez bien ce que je vais vous dire !
Des employés s'approchent. Des regards curieux, des oreilles attentives. Elle continue, la voix pleine de venin.
— Cette femme utilise son corps comme ticket d'entrée dans la société. Elle passe de lit en lit, surtout quand l'homme est riche. Regardez-la bien ! Elle veut séduire le PDG Luc alors qu'elle a déjà un fils avec un inconnu. Elle ne connaît même pas le père de son enfant ! Elle couche avec n'importe qui. Qui sait ? Peut-être même les mendiants ne sont pas épargnés !
Un silence gênant s'installe. Quelques ricanements. Elle sourit, fière de son coup. Je la regarde sans ciller, puis je souris à mon tour.
— Carline, tu en sais beaucoup sur ce genre de vie. C'est très précis, très détaillé. Tu es sûre que tu parles de moi ? Ou bien tu racontes ta propre vie, mais t'as trop honte pour le dire à la première personne, alors tu parles en mon nom ?
Elle cligne des yeux, déstabilisée.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— Pourquoi tu paniques ? Je n'ai encore rien dit. Et si ce que tu disais sur moi était vrai, si ma vie privée était si chaotique, comme tu dis… tu ne devrais pas en connaître les détails, pas vrai ? À moins que tu sois bien plus proche de cette "vie chaotique" que tu ne veux l'admettre.
Des murmures naissent dans la foule. Les regards se tournent vers elle. Elle baisse un peu les yeux. Je continue, la voix calme, mais ferme.
— Tu sais ce que je vois, Carline ? Une femme malheureuse, frustrée, jalouse. Une femme qui crie si fort sur les autres parce qu'elle étouffe dans ses propres regrets.
Je m'avance d'un pas, je la regarde droit dans les yeux.
— Tu voulais m'humilier, mais tu viens de te dévoiler. Rends-toi service… tais-toi, tant qu'il est encore temps.
Je tourne les talons, laisse la salle en silence derrière moi. Je sens les regards dans mon dos. Mais cette fois… ce n'est pas de la honte que je ressens. C'est de la fierté.
Plus tard, chez moi, après le souper, je suis assise sur le lit, concentrée sur mon téléphone. Sleydjy s'approche doucement, les mains dans le dos, l'air curieux.
— Maman ?
— Hmmm… réponds-je distraitement sans lever les yeux de l'écran.
— Est-ce que toi et papa êtes réconciliés ?
Je fronce légèrement les sourcils, mais garde un ton léger.
— Quel papa, chéri ? je demande avec innocence, feignant l'ignorance.
— Monsieur Dupont Rensley Luc ! précise-t-il, très sûr de lui.
Je souris et secoue la tête doucement.
— Lui ? Mais c'est mon patron, mon fils. Qu'est-ce qui ne va avec lui, hein ?
— Maman ! Cesse de regarder dans ton téléphone et écoute ce que j'ai à te dire, s'il te plaît !
Son ton sérieux me fait poser aussitôt le téléphone. Je le fixe tendrement et lui souris.
— Me voici, mon Sley. Maman est toute à toi. Dis-moi ce que tu veux me dire.
Il me regarde droit dans les yeux, avec ce petit air grave qui ne lui ressemble pas.
— Est-ce que toi et papa êtes réconciliés ?
— De quoi parles-tu, mon chéri ? Maman n'est ennemie avec personne.
— Tu en es sûre, maman ?
— Bien sûr, mon cœur. Et puis d'ailleurs… comment sais-tu que Monsieur Luc est ton père biologique ?
Il garde le silence un instant, esquisse un petit sourire malicieux.
— Je le savais déjà depuis un moment, maman.
Je le regarde, interloquée.
— Depuis quand, mon enfant ?
Il se penche légèrement vers moi, chuchote :
— Approche un peu, maman… C'est un petit secret.
Intriguée, je me rapproche. Il se met sur la pointe des pieds et me murmure à l'oreille :
— J'ai entendu ta conversation avec grand-mère.
Puis il recule aussitôt en riant doucement. Je reste figée une seconde, surprise, puis je fais mine de m'indigner :
— Mais… il y a eu plein de conversations entre moi et grand-mère ! Il n'y a rien de suspect, non ?
Il avance vers moi, toujours complice, et ajoute tout bas :
— Le jour où ton patron t'a ramenée en voiture… tu t'es serrée contre lui, et il t'a embrassée sur la voiture.
Dit-il tout coquin, le regard espiègle.
— Sleydjy ! je m'exclame, faussement choquée.
Mais il s'éloigne déjà en courant, saute du lit et rit à gorge déployée. Je me lève d'un bond pour le poursuivre.
— Reviens ici, petit coquin !
Il fait le tour du lit à toute vitesse, grimpe d'un côté, redescend de l'autre. Je le poursuis avec le même parcours, mais il est rapide et malin.
— Tu m'échappes ? Tu crois que tu peux te cacher ? Attends un peu !
Je le rattrape enfin, l'attrape par la taille et le chatouille sans pitié.
— Petit coquin ! Je t'ai attrapé ! Tu fais semblant de rien savoir, hein ? Tu m'espionnes, c'est ça ? Petit curieux ! Petit malin !
Sleydjy rit aux éclats, se tortille entre mes bras, incapable de s'échapper. Son rire résonne dans toute la pièce, pur et joyeux. Je finis par le relâcher doucement, le cœur rempli d'amour.
— Allez, viens mon chéri… il se fait tard. On va dormir maintenant.
— D'accord, maman, dit-il en bâillant légèrement.
Je le prends dans mes bras, l'installe confortablement dans le lit. Il se blottit contre moi, tout calme maintenant.
— Tu sais maman… même si tu ne me l'avais jamais dit, je crois que j'ai toujours su que c'était lui, murmure-t-il.
Je le regarde, émue, et je dépose un baiser sur son front.
— Tu es si intelligent, mon trésor. Tu es ma fierté.
Il sourit, ferme les yeux. Et moi, je reste là, à l'écouter respirer, reconnaissante d'avoir ce petit être merveilleux dans ma vie.
Après qu'il s'endort, profondément blotti contre moi, je le soulève doucement dans mes bras. Il ne se réveille pas, sa tête repose sur mon épaule, ses petits bras tombent mollement de chaque côté. Je marche lentement vers sa chambre, prenant soin de ne pas faire de bruit.
J'ouvre doucement la porte, allume la veilleuse, puis je le dépose délicatement dans son lit. Je remonte la couverture sur lui, caresse tendrement ses cheveux, et dépose un baiser sur son front.
— Bonne nuit, mon ange, je murmure.
Je reste encore un moment à l'observer. Sa respiration est calme, régulière. Un sentiment de paix m'envahit.
En refermant la porte de sa chambre, je jette un coup d'œil vers celle de grand-mère. Elle est déjà couchée, la lumière est éteinte. Un calme apaisant règne dans toute la maison.
Je regagne ma propre chambre à pas feutrés. Je m'assois sur le lit, retire mes boucles d'oreilles, mon bracelet. Puis je me glisse sous les draps.
Un long soupir m'échappe.
La journée a été lourde… mais je me sens en paix.
Je ferme les yeux. Demain est un autre jour.