Ficool

Chapter 6 - Chapitre 6 – Le Poids du Sceau

Le voyage avait été long. Velm, le stratège silencieux, mi-démon mi-humain, marchait aux côtés d’Ira, une hybride aux ailes d’ombre, née d’une lignée oubliée.

Leur destination : Kar-Valth, ancienne forteresse des démons déchus. Désormais repaire d’exilés, de traqués, et d’êtres au bord de la folie.

“ Ils ne nous accueilleront pas avec des fleurs.“ dit Ira, en resserrant sa cape.

“Ils n’ont rien à perdre. C’est pour ça qu’ils écouteront.“

Les portes de Kar-Valth grincèrent comme des bêtes.

À l’intérieur, des silhouettes se tapissaient dans l’obscurité. Des visages marqués par la peur, la haine… ou la résignation.

Le chef local, Zar’Mel, portait une armure fracturée et des cornes cassées.

“ Althera… J’ai entendu ce nom. Rumeur ou rêve ?“

“ Réalité.“ répondit Velm.

“Et nous sommes venus l’offrir à ceux qui n’ont plus de place ailleurs.“

Zar’Mel grogna.

“ Et si c’était un piège ? Et si l’Empire vous utilise pour rassembler tous les pestiférés au même endroit, pour mieux les brûler ?“

Ira s’avança.

Elle libéra son aura d’ombre, tordant la lumière autour d’elle, rendant l’air plus dense.

“ L’Empire ne contrôle rien. Et Kael n’est pas un roi. C’est un appel vivant à la révolte.

Elle montra son bras nu, où brillait la marque d’Althera.

“Nous ne promettons pas des murs sûrs ou une paix éternelle. Nous promettons le choix. Le droit de se battre. De vivre. De créer un avenir, même en ruines.“

Un silence tendu suivit.

Zar’Mel se leva. Lentement.

Puis tendit la main.

“Alors peut-être… que ce rêve mérite qu’on saigne pour lui.“

À l’extérieur, alors que Velm et Ira repartaient escortés de nouveaux alliés, une fumée monta au loin.

“ Un village brûle.“ dit Ira.

“ L’Empire ?“ demanda Velm.

“ Non… quelque chose d’autre.“

Une nouvelle menace obscure émergeait. Mais ce jour-là, un autre fragment d’Althera s’était éveillé.

Et la marche vers l’unité continuait.

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La neige tombait sur les remparts nord d’Althera.

Un messager arriva au galop, couvert de givre et de sang. Il tomba à genoux devant Sira.

“Ils arrivent... le Clan Aegor... Ils sont... vivants.

Sira fronça les sourcils.“

“Impossible. Les Aegor ont été dissous après la Chute de Rygal. On les croyait morts.“

“ Ils ne le sont plus.“ murmura Kael en s’approchant.

Trois jours plus tard, le clan entra dans la cité.

Un cortège silencieux. Guerriers couverts de chaînes brisées. Femmes, enfants, vétérans — tous portaient des symboles brûlés sur la peau : les marques de servitude de l’Empire.

À leur tête marchait Karn Aegor, géant au regard de glace, moitié démon, moitié vampire, vêtu d’une armure de fer noir. Sa voix était comme le tonnerre étouffé :

“ Tu es Kael ? Celui qui prétend bâtir un foyer pour nous ?“

Kael descendit les marches du sanctuaire. Il observa l’homme… et vit la rage étouffée derrière ses yeux.

“ Je ne prétends rien. J’offre ce que je peux. Un sol. Un combat. Une vérité.“

Karn s’approcha.

“ L’Empire nous avait promis une terre si nous renoncions à nos armes. Nous avons obéi. Et ils nous ont massacrés comme des chiens. J’ai perdu trois enfants. Deux épouses. Un père.

Il serra les poings.“

“Alors ne me parle pas d’espoir. Parle-moi de vengeance.“

Kael ne répondit pas tout de suite.

Il tourna les yeux vers le drapeau d’Althera flottant dans le vent.

Puis vers les enfants Aegor, qui regardaient les siens.

“Ici, tu pourras te venger. Mais pas seul. Pas aveugle. Tu combattras pour plus que le sang. Tu combattras pour ceux qu’on t’a arrachés… pour qu’aucun autre père ne vive ce que tu as vécu.“

Karn hésita.

Puis, lentement, il s’agenouilla.

“ Alors je jure. Par la terre, par les morts, par ma haine : Karn Aegor servira Althera. Jusqu’à ce que les cieux brûlent.“

Et ainsi, un nouveau pilier se dressa dans la cité noire.

Mais dans son ombre… quelque chose d’encore plus ancien s’éveillait.

Quelque chose… que même Kael redoutait.

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La nuit s’épaississait au-dessus d’Althera.

Mais dans les profondeurs… un sang ancien se mit à bouillonner.

Kael rêva.

Ou peut-être… se souvenait-il.

Il se tenait dans une cathédrale engloutie, les colonnes de pierre ruisselantes de sang. Au centre, un trône noir, et sur ce trône, un homme.

Non. Pas un homme.

Un Géniteur.

Son visage était flou, mais ses yeux… ses yeux voyaient à travers le temps.

“Kael…” souffla-t-il.

“ Tu nous as oubliés.“

Kael sentit son propre sang se figer.

“ Tu es mort. Vous avez été scellés après la guerre des lignées.“

Le Géniteur sourit, sans chaleur.

“ On ne meurt pas. On sommeille.“

D’un geste, il montra les veines de Kael, qui palpitaient.

“Tu portes notre flamme. Mais tu ignores le prix. Et bientôt, elle réclamera son dû.“

Kael voulut parler, mais le rêve s’effondra.

Il se réveilla dans sa chambre, couvert de sueur. Sira entra précipitamment.

“Quelque chose… s’est passé.“

“Quoi ?“

“ La crypte sud s’est ouverte. Seule. Et un nom ancien y a été gravé dans le sol.“

Elle tendit un papier.

“Varkhaz.”

Kael blêmit.

“C’est impossible.“

“Qui est-ce ?“ demanda Sira.

Il répondit à voix basse :

“ Un Géniteur renégat. Le seul à avoir tenté de mélanger tous les sangs. Il voulait créer des hybrides supérieurs… des dieux de destruction. Même les autres Géniteurs l'ont banni.“

Elle le fixa, inquiète.

“ Tu crois qu’il est vivant ?“

“S’il ne l’est pas, quelque chose marche dans ses pas.“

Cette nuit-là, dans les ruines d’une ancienne église, une silhouette encapuchonnée fouillait un autel.

Elle trouva une fiole. Un sang d’un noir profond.

Et dans un murmure, la voix de Varkhaz résonna :

“ Ressuscite-moi. Et je te donnerai le monde.“

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Kael quitta Althera seul, à l’aube, sans escorte ni bruit.

Il avait confié temporairement la gestion à Sira et Velm, prétendant partir chercher des armes dans les montagnes du nord. Mais la vérité était ailleurs : il allait vers les ruines de Drevahl, l’ancien sanctuaire des Géniteurs.

Un lieu effacé des cartes.

Un lieu interdit.

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Le paysage changeait à mesure qu’il s’approchait. L’air devenait dense, les arbres tordus par une magie ancienne. Les pierres elles-mêmes semblaient gémir.

Kael marchait sans pause. Il entendait des voix — dans le vent, dans son sang. Varkhaz l’appelait.

Au troisième jour, il trouva les ruines.

Elles gisaient au creux d’un cratère rouge. Des statues brisées, des croix renversées, et au centre… un obélisque noir, fendu. Le Sceau du Sang Total.

Kael posa la main sur la fissure.

Une décharge le traversa. Des visions. Des cris. Des corps fusionnés. Des vampires avec des ailes de démon. Des hybrides difformes, hurlant à la lune.

Et un regard.

Celui de Varkhaz.

“Tu as osé réveiller l’héritage sans le comprendre.“

Kael serra les dents.

“Je suis venu pour en finir.“

Le Géniteur apparut sous forme spectrale, un halo rouge autour du crâne.

“ Tu ne peux pas. Car tu es le dernier maillon. Le fruit de mon rêve.“

“Tu mens.“

“ Tu sens tes pouvoirs croître ? Ta haine te transformer ? Tu crois que c’est le hasard ?“

Kael tomba à genoux.

La vérité… l’écorchait.

“ Tu es l’arme que je n’ai jamais pu achever, Kael. Et bientôt, tu deviendras moi.“

Il hurla, libéra son aura pour briser l’obélisque.

Mais une force le repoussa, projeté contre la roche. Quand il se releva, le spectre avait disparu.

Mais un symbole noir marquait désormais son bras : un œil saignant.

Et dans le ciel… les nuages prirent la forme d’un crâne.

Le compte à rebours venait de commencer.

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Lorsque Kael posa le pied sur le sol d'Althera, le vent soufflait lourdement, comme un avertissement. Ses vêtements étaient déchirés, son visage marqué par l'ombre du combat psychologique avec Varkhaz. Mais ce n'était pas la fatigue physique qui l'assaillait. C'était ce symbole noir sur son bras, un œil sanglant qui palpitait de manière inquiétante. Il ne l'avait pas remarqué immédiatement, mais à chaque instant où il effleurait la peau, une douleur sourde se propageait dans tout son corps.

Sira l'attendait, seule, sur les remparts de la cité.

“ Kael… Qu'est-ce que tu portes ?“ demanda-t-elle d'une voix calme, mais tendue.

“ Ce symbole…”

Il leva son bras, le regardant. Il n’avait pas eu le temps de cacher la marque, bien que l’idée d’en parler à Sira ne lui traversa même pas l’esprit.

“ Ce n'est rien.“ répondit-il d’un ton presque trop assuré.

“ Juste un souvenir… une illusion.“

Elle se rapprocha, son regard fixé sur le signe. Il n'était pas dupe de la méfiance qui commençait à naître dans ses yeux.

“ Je n'aime pas ce que je ressens, Kael. Ce n’est pas… normal. Ce symbole n’est pas une simple marque.“

Une voix interrompit leur échange. Velm se tenait à l’entrée de la salle de guerre, une carte déployée sous les doigts. Il avait l'air préoccupé.

“Kael, il y a des choses qui bougent. Des factions anciennes. Des rumeurs qui circulent. Nous avons des rapports. L'Empire connaît ton retour. Et quelque chose de bien plus ancien semble se réveiller avec toi.“

Kael fronça les sourcils, et son regard se tourna vers Velm.

“ De quoi parles-tu ?“

“De l'Œil d’Omnath. C’est la première fois qu’on en parle depuis des siècles. Un artefact, une prophétie. Ceux qui le portent attirent les Enfants d'Omnath. Des êtres au service du Sombre Parjure, une entité oubliée des géniteurs. Et ils sont sur le chemin d'Althera.“

Sira s'avança à son tour.

“ Des traqueurs de l'ombre ? Des démons ? Pourquoi ?“

' Pas exactement, répondit Velm. L'Œil est censé dévoiler les secrets, mais ceux qui tentent de le comprendre finissent par être dévorés… ou tués. Tous ceux qui l’ont porté ont disparu.

Kael fit un pas en avant, ses poings serrés.

“Comment savez-vous que cela me concerne ?“

Velm haussait une épaule, le regard sombre.

“ Parce que ce symbole n'est pas qu'une simple marque. C'est le sceau de Varkhaz, du Sombre Parjure, et tout ce qui le touche attire des yeux… et des ténèbres.“

La nouvelle se répandit rapidement parmi les clans. Les murs d’Althera se durcirent. Des sentinelles furent placées. Mais malgré tout, les yeux du monde semblaient se tourner vers la cité, et ils n’étaient pas amicaux.

Cette même nuit, des créatures de l'ombre se glissèrent sous les murs. Des silhouettes informes, des murmures froids dans la brume.

Au cœur de la ville, les forces de Kael étaient prêtes à riposter, mais un battement dans l’air prévenait déjà Kael : l’Empire n’était pas le seul ennemi désormais. Une force bien plus ancienne, plus insidieuse, venait de poser son regard sur lui.

À la lisière des bois, une silhouette émergea des ombres. C’était Karn Aegor, accompagné de quelques guerriers du clan. Il s’approcha, son regard pesant.

“ Il est là. Ils sont là.“ murmura-t-il d'une voix grave.

Kael tourna son regard vers lui, une lueur de confusion dans les yeux.

“ Qui ?“

Karn désigna le ciel, où des éclats de lumière noirâtre s’élevaient, comme des étoiles mortes.

“ Les Enfants d'Omnath. Ils viennent réclamer ce qui leur appartient.“

Le sol trembla.

Sira prit alors la parole, son ton ferme.

“ Nous devons nous préparer. Cette guerre n’est pas contre l’Empire, Kael. Elle nous engloutira tous si nous n’agissons pas.“

Kael serra les dents. Ce qu’il ressentait, ce poids qui s'était installé sur ses épaules, n'était plus seulement celui d'une cité à défendre. C'était celui d’un destin qu'il ne pouvait fuir.

“ Qu'ils viennent, dit-il, la voix basse mais pleine de détermination. Nous répondrons. Althera ne pliera pas.“

Mais alors qu'il observait les étoiles disparaître dans l'obscurité grandissante, il se demanda une dernière fois : est-ce que le sang de Varkhaz le mènerait vers la victoire, ou vers sa propre destruction ?

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