Ficool

Chapter 12 - 12- L'art de la prudence

Chapitre 12 – L’art de la prudence

Ce jour-là, Camille se leva avec une étrange clarté d’esprit. La nuit avait été courte, mais son objectif désormais la tenait éveillée. Elle savait qu’elle ne pouvait plus ignorer ce que son instinct lui soufflait. Elle devait agir, mais avec finesse. Elle ne voulait pas se jeter tête baissée dans une confrontation. Ce serait trop facile… et trop risqué.

Elle prit soin de se préparer différemment. Une tenue simple, mais élégante, un maquillage discret, un parfum doux, presque imperceptible. Elle n’allait pas au bureau comme une simple employée aujourd’hui. Elle y allait en stratège. Chaque mot, chaque regard aurait désormais une intention.

Au travail, elle croisa Maya dans le couloir près de la salle de pause. Elles échangèrent un sourire poli, rien d’inhabituel. Mais Camille s’attarda quelques secondes de plus, comme si une discussion fortuite pouvait jaillir de l’air ambiant. Maya semblait concentrée, un peu pressée, mais pas fermée à la conversation. Un simple « Salut, bien dormi ? » glissé avec légèreté, et Maya répondit par un hochement de tête, un sourire un peu fatigué.

Pendant toute la journée, Camille observa. Elle surveilla discrètement les mouvements de Maya, la manière dont elle échangeait avec les autres collègues, les appels qu’elle recevait parfois en s’isolant dans les escaliers ou sur le balcon. Rien de très compromettant, mais Camille notait chaque détail. Tout pouvait servir.

Lors de la pause déjeuner, elle s’arrangea pour s’asseoir à la même table qu’elle. Deux autres collègues les accompagnaient, ce qui rendit la conversation légère, presque banale. Mais Camille glissait çà et là des petites questions anodines, testant les réactions de Maya : « Tu vis loin du bureau ? », « Tu viens en voiture ou en métro ? », « Tu sors parfois en semaine ? ». Maya répondait sans se méfier, naturellement. Camille notait tout mentalement.

Le soir, rentrée chez elle, elle fit semblant de se comporter normalement avec Adrian. Mais son esprit était ailleurs. Elle revit chaque moment de la journée. Elle se rappelait la façon dont Maya avait souri quand elle évoqua les sorties, comment ses yeux s’étaient un peu assombris quand le nom d’Adrian fut mentionné à la pause café. Rien de concret, mais Camille commençait à sentir une faille. Une faille dans laquelle elle pourrait bientôt s’engouffrer.

Le lendemain, elle reprit le même jeu. Mais cette fois, elle poussa un peu plus loin. Dans l’après-midi, elle passa voir Maya à son bureau, un mug de thé à la main.

— Ça te dirait qu’on prenne un verre un soir ? Juste pour changer les idées, entre collègues.

Maya sembla un peu surprise, mais sourit.

— Oui, pourquoi pas. Ça nous ferait pas de mal de décompresser.

— On pourrait même faire ça en couple, ajouta Camille avec un ton léger. Ton copain et Adrian s’entendraient sûrement bien.

Cette phrase fut calculée. Elle voulait observer la réaction de Maya. Et elle ne fut pas déçue. La jeune femme hésita un court instant, comme si elle réfléchissait à toute vitesse.

— Euh… Oui, pourquoi pas. Il faut juste qu’on voie nos emplois du temps.

Camille sourit. Elle ne relança pas. Elle savait que cette graine semée allait produire son effet.

Le week-end venu, Camille profita de son samedi pour suivre Maya à distance. Elle avait remarqué que cette dernière quittait souvent son appartement vers 10 h. Ce matin-là, vêtue d’un sweat sobre et de lunettes de soleil, Camille se posta dans sa voiture non loin de l’immeuble de Maya. Lorsque celle-ci sortit, vêtue simplement, elle la suivit discrètement à travers la ville.

Maya marcha une vingtaine de minutes, s’arrêta dans une boutique de fleurs, puis dans une librairie. Rien de suspect. Mais Camille restait prudente. Au retour, elle la vit entrer dans un petit immeuble résidentiel… Ce n’était pas le sien.

Elle nota l’adresse. Peut-être un ami. Peut-être un amant. Elle ne pouvait pas tirer de conclusion hâtive. Mais elle tiendrait cette piste à l’œil.

Le lundi suivant, Camille relança la conversation sur leur future sortie de couples.

— Alors, ton copain serait partant ? demanda-t-elle avec un air enjoué, presque naïf.

Maya sourit, un peu crispée.

— Il travaille beaucoup en ce moment. Mais je vais essayer de lui en parler sérieusement.

— Aucun souci, prends ton temps. Moi, je me suis dit que ce serait sympa, sans prise de tête. Juste une soirée tranquille.

Maya hocha la tête. Camille vit dans son regard une lueur d’hésitation. Une fissure. Elle devait continuer de jouer la carte de la camaraderie.

Les jours suivants, Camille se montra plus avenante avec Maya. Elle partagea avec elle quelques confidences personnelles — de fausses anecdotes sur des doutes qu’elle avait eus par le passé dans son couple, des crises de jalousie mal placées. Elle semait habilement le trouble, feignant la vulnérabilité, pour susciter la confiance.

Un midi, entre deux bouchées, Camille lança :

— Tu sais, l’autre jour, j’ai vraiment cru qu’Adrian me mentait. Je suis allée jusqu’à fouiller ses messages. J’ai rien trouvé, évidemment. Mais ça te ronge, tu vois ?

Maya ne répondit pas tout de suite. Elle semblait pensive.

— Tu devrais essayer de ne pas trop te faire de mal. Parfois, on s’invente des choses.

Camille hocha la tête.

— Je sais… mais mon instinct me lâche rarement.

Elle planta son regard dans celui de Maya. Celle-ci détourna les yeux.

Le soir même, Camille fit un autre pas. Elle envoya un message à Maya :

> Coucou ! J’espère que je ne te dérange pas. J’ai pensé à notre sortie. Si tu veux, on peut organiser ça tranquillement pour la semaine prochaine. Un dîner simple. Et si tu veux, tu peux me donner ton adresse, je passerai te chercher. Plus pratique.

Quelques minutes plus tard, Maya répondit :

> Oui bien sûr. Voici mon adresse. Ça me fait plaisir qu’on devienne amies, Camille.

Camille sourit, glacée intérieurement. Elle n’en voulait pas à Maya, pas encore. Ce qu’elle voulait, c’était la vérité. Et elle était sur la bonne voie.

Ce soir-là, Camille s’allongea dans son lit, regardant Adrian qui dormait déjà à côté d’elle. Elle resta longtemps éveillée, repensant à chaque mot, chaque regard. Elle sentait que quelque chose se tramait. Maya cachait quelque chose, et elle le découvrirait.

Mais elle devait rester patiente.

Très patiente.

À suivre...

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