Ficool

Chapter 11 - 11- Le murmure du silence

Chapitre 11 – Le murmure du silence

L’eau chaude avait coulé longtemps sur la peau de Camille, comme si elle cherchait à y effacer le trouble incrusté depuis plusieurs jours. Elle sortit enfin de la douche, une serviette enroulée autour du corps, les cheveux trempés ruisselant encore sur ses épaules. L’humidité de la salle de bain formait de la buée sur le miroir, mais son regard s’y accrocha quelques secondes. Ce visage qu’elle connaissait si bien semblait soudain lui échapper. Il y avait dans ses yeux une question muette, une faille.

Elle souffla longuement, s’essuya rapidement, enfila un pyjama ample, puis se dirigea vers la chambre. Ses pas étaient lents, mesurés, comme si chaque mouvement pesait plus qu’il ne devrait. Le parquet grinça légèrement sous ses pieds. Depuis le salon, la télévision diffusait un film d’action, les voix masculines se mêlant aux bruits sourds d’explosions. Adrian était toujours là, sans doute affalé sur le canapé, une bière vide posée quelque part à portée de main. Il ne l’avait pas appelée, pas interrogée, comme s’il avait jugé préférable de la laisser à ses pensées.

Camille entra dans la chambre sans bruit, alluma la petite lampe de chevet, puis s’installa sur le lit. Elle ne se sentait pas prête à dormir. L’oreiller, pourtant moelleux, lui semblait hostile. Trop de choses tournaient encore dans sa tête. Elle s’allongea sur le côté, tira le drap sur elle, mais ne ferma pas les yeux. Elle restait là, immobile, à écouter le fond sonore de la télé, à suivre sans le vouloir le rythme des scènes. Elle savait qu’Adrian finirait par monter, sans doute après la fin du film. C’était leur rituel silencieux depuis quelque temps. Elle allait se coucher la première, et il la rejoignait plus tard, comme pour éviter d’avoir à parler.

Mais ce soir, tout lui paraissait encore plus tendu. Ce n’était pas seulement l’accumulation des doutes, ni même l’image furtive de Maya dans le hall de l’immeuble. C’était ce moment plus tôt dans la journée, à l’imprimante, ce regard échangé, ce prénom prononcé avec maladresse… Adrian. Ce simple prénom qui, placé dans la bouche de Maya, avait résonné comme une trahison. Même si elle n’avait aucune preuve tangible, quelque chose s’était crispé en elle, quelque chose d’instinctif, de presque animal.

Et si elle avait raison ?

Elle se redressa dans le lit, ses mains nouées sur ses genoux. Le doute ne suffisait plus. Elle avait besoin de savoir. Il lui fallait un plan, une méthode. Espionner ? Non, ce mot lui faisait mal. Mais surveiller ? Observer ? Oui. Elle pouvait rester attentive. Noter les incohérences. Regarder son téléphone, peut-être. Mais cela allait à l’encontre de tout ce qu’elle croyait juste dans une relation.

Alors pourquoi en était-elle arrivée là ?

Parce qu’elle sentait que son couple glissait entre ses doigts. Que ce sourire qu’Adrian lui lançait était trop lisse, trop fabriqué. Qu’il y avait des silences entre eux qui n’existaient pas avant.

La porte grinça légèrement dans le couloir. Camille se figea, tendit l’oreille. Les pas d’Adrian s’approchaient. Elle éteignit aussitôt la lumière de chevet et se glissa sous le drap, feignant le sommeil. C’était lâche, mais elle n’avait pas la force de feindre une conversation ce soir.

La porte de la chambre s’ouvrit doucement. Adrian entra, ses pas étouffés sur le tapis. Il resta un moment immobile, sans doute à la regarder. Puis il se dirigea vers la penderie, ôta ses vêtements sans bruit, enfila un short, puis s’approcha du lit.

— Bonne nuit, murmura-t-il, en se glissant à côté d’elle.

Camille ne répondit pas. Elle sentit son corps contre le sien, tiède, familier, mais étranger tout à la fois. Elle se força à garder une respiration régulière, à ne pas trembler.

Il ne tenta rien d’autre. Pas un baiser, pas une main posée sur sa hanche. Juste le silence. Un silence épais, qui disait tout ce qu’ils n’osaient pas se dire.

Les minutes s’étirèrent. Adrian finit par s’endormir, à en juger par sa respiration devenue plus profonde. Camille resta éveillée encore longtemps, fixant l’obscurité, les pensées en tourbillon dans sa tête.

Elle repensa au passé, à leurs débuts, à leurs fous rires. À ces moments où elle se sentait belle sous son regard, désirable. Où l’amour se lisait dans ses gestes. Que s’était-il passé ? Avait-elle changé ? Lui ? Ou était-ce simplement la vie, cette routine qui ronge, qui use, qui griffe ?

Elle ne savait plus. Mais une chose était sûre : elle ne pouvait pas continuer ainsi, dans le flou, dans la douleur de l’incertitude.

Demain, elle commencerait à chercher. À poser les bonnes questions. À tendre l’oreille sans se faire remarquer. Elle avait besoin de vérité. Même si celle-ci venait à lui briser le cœur.

Un bruit dehors, un chat qui miaule peut-être, l’arracha à ses pensées. Elle ferma enfin les yeux. Le sommeil mit longtemps à venir, mais il finit par la prendre, lourd, agité.

Au matin, la lumière filtra à travers les rideaux tirés. Camille ouvrit les yeux lentement. Le lit à côté d’elle était vide. Adrian s’était déjà levé. Elle tendit l’oreille. Rien. Pas un bruit. Elle se redressa, enfila un pull, et se dirigea vers la cuisine. Sur la table, une tasse vide. Il était parti. Comme toujours, sans un mot.

Elle serra les lèvres. Son cœur battait fort. Le silence avait assez duré

Elle attrapa son téléphone sur la table et l’alluma. Rien de spécial. Pas de message. Pas de trace d’Adrian. Mais ce détail banal l’irrita plus qu’elle ne l’aurait cru. Même un simple "Bonne journée" aurait suffi. Elle posa l’appareil, ferma les yeux une seconde, puis inspira profondément. Elle ne voulait plus subir. Plus attendre que la vérité tombe du ciel. Si Adrian lui cachait quelque chose, elle le découvrirait, pas en le harcelant, mais en observant, patiemment, méthodiquement.

Camille se dirigea vers la chambre pour se préparer. Aujourd’hui, elle irait au travail autrement. Plus lucide, plus froide. Elle se rapprocherait de Maya, doucement, subtilement. Pas pour lui sauter à la gorge, mais pour creuser. Elle voulait savoir ce qui liait cette femme à son mari. Même si la réponse faisait mal. Car désormais, ce n’était plus une question de jalousie. C’était une question de survie.

À suivre...

More Chapters