Ficool

Chapter 72 - 66e Echo : Guide & Dilemme

Le bruit résonna encore.

Sec.

Étouffé.

La peluche gisait sur la pierre humide.

Un bouton arraché fixait le vide, comme un œil mort.

Kael n'avait pas bougé.

Ses doigts tremblaient à peine, crispés dans l'air.

La voix, fragile, revenait.

Faible.

Écorchée.

— ... Maman... papa... j'ai peur...

Un frisson glacé lui remonta l'échine.

Son souffle se bloqua.

Ses yeux dorés restaient fixés sur la cellule, incapable de cligner.

Thana, perchée sur son épaule, s'était figée aussi.

Son halo vibrait à peine, comme une flamme battue par le vent.

Pas un mot.

Pas une analyse.

Juste ce silence qui, pour la première fois, ressemblait à de la peur.

C'était une petite fille.

À peine cinq ans, peut-être.

Pas très grande.

Sa tenue la trahissait.

Simple. Roturière.

Rien d'une princesse.

Ça restait quand même une enfant !

Mais son corps...

il n'était pas vraiment là.

Translucide.

Évanescent.

Comme une ombre mal fixée au monde.

Kael se demanda même si elle l'avait remarqué.

Si elle savait seulement qu'elle n'était plus tout à fait vivante.

Kael scruta autour de lui.

Rien.

Umbra avait déjà tout dévoré.

Chaque âme.

Chaque murmure.

Sauf elle.

La seule.

La petite.

Il se dit que le cas d'Umbra attendrait plus tard.

Kael s'accroupit lentement.

Un souffle.

Un sourire.

Dans sa main, la peluche.

Ramassée en silence.

Comme une offrande.

— Tu t'appelles comment ?

Elle était timide.

Et effrayée.

Triste.

Et curieuse.

Ses mots résonnaient pourtant,

en boucle,

dans la tête de Kael :

— Monsieur... pourquoi, dans vos yeux, je vois la fin de tout ?

Il resta figé.

Sous le choc.

Aucune réponse.

Aucune réaction.

Son regard glissa vers Thana.

Mais elle... détourna les yeux.

Évitant le sien.

Une phrase autant philosophique que froide.

— Changement de plan.

Thana... tu restes avec la petite.

Umbra... retourne dans le kusarigama.

— Tu vas rester avec Thana ici.

— Avec Mme la fée ? Dit-elle d'un regard timide mais euphorique.

— Oui c'est bien ça, Mme la Fée, mais elle peut être autant gentil que méchante, donc tache de bien l'écouter d'accord ? Dit-il tout en se redressant

Son regard brillait d'or.

— Sur ce, je vais m'occuper moi-même de libérer ces âmes.

Thana réagit aussitôt.

Sa voix claqua :

— Tu comptes les tuer ?

Kael secoua la tête.

Son ton était calme.

Tranchant.

— Non.

Je vais les libérer.

Un souffle.

Puis, plus bas :

— J'ai un plan.

Mais j'ai besoin que tu me fasses confiance.

Tu t'en sens capable ?

— Umbra.

À partir de maintenant, interdit de toucher une seule âme.

Ses yeux dorés brillèrent.

Froids.

— Si je t'attrape encore une fois...

Il marqua une pause.

Son souffle se durcit.

— Je t'enferme dans une boîte.

Et je te balance au fond des fosses des Mariannes.

Silence.

Lourd.

— Est-ce clair ?

Umbra frémit.

Ses volutes s'étaient contractées.

Puis, soudain...

un éclat.

Un souvenir.

Pas le sien.

Kael.

Rouge et noir.

Possédé.

Ce regard.

Cette terreur brute.

L'image le transperça comme une lame.

Et l'ombre recula.

Pliée.

Terrifiée.

Comme si, au fond de lui, Umbra savait.

Que ce maître-là...

Pouvait devenir folie et mort.

Et qu'il n'hésiterait pas.

— Monsieur... faut pas être méchant avec monsieur l'Ombre.

Il a été gentil avec moi, dit-elle, son petit air tout mignon accroché au visage.

Kael esquissa un sourire froid.

— Ne t'inquiète pas.

Il va juste travailler avec moi jusqu'à la mort—

... euh. Jusqu'à tout à l'heure.

Son regard se durcit.

— Alors sois sage. Et écoute bien Thana, d'accord ?

— Oui !

... Monsieur qui fait peur !

Un silence.

Puis Kael serra la mâchoire.

— Umbra.

Dépêche-toi.

On y va.

Kael leva le kusarigama.

Ses muscles tendus.

La chaîne vibrait, lourde, saturée d'ombre.

Soixante-dix kilos de mort concentrée dans ses mains.

Il abattit l'arme.

La pierre éclata.

Les runes se fissurèrent.

Leur éclat éternel s'éteignit comme une bougie dans le vent.

Un cri jaillit.

Arraché aux murs.

Avalé aussitôt par Umbra.

Kael serra les dents.

— ... Une.

Il avança.

Encore.

Deuxième porte.

La chaîne fouetta l'air.

Impact.

Déflagration sourde.

Les runes explosèrent.

Des éclats incandescents retombèrent en pluie.

Son souffle se coupa, mais ses bras ne tremblèrent pas.

Les âmes hurlèrent.

Des dizaines, lacérées, expulsées dans un vacarme spectral.

Umbra frémit, mais ne dévora pas.

Il attendait.

Soumis.

Kael souffla.

Ses yeux dorés brillaient plus fort.

— Deux.

Troisième porte.

Il arma le coup.

Le poids l'écrasait, mais ses épaules ne cédèrent pas.

Le kusarigama s'abattit.

Tantôt démolissant les murs et les portes,

tantôt sectionnant chirurgicalement les chaînes des âmes.

Cette fois, le mur entier vibra.

Les runes éternelles résistèrent une seconde.

Juste une seconde.

Puis elles implosèrent.

Comme si le temps lui-même refusait de leur obéir.

Le silence tomba.

Puis des murmures.

— ... dors... dors... dors...

Kael se figea.

Ses yeux glissèrent dans la cellule éventrée.

Une plume noire reposait au sol.

Intacte.

Kael tendit la main.

Ses doigts frôlèrent la plume glacée.

Un frisson mordit sa nuque.

Hypnos.

Il recula.

Ses poings se crispèrent sur la chaîne.

Il leva l'arme de nouveau.

— Trois.

Quatrième porte.

La pierre céda dans une gerbe de poussière.

Le kusarigama vibra dans ses mains, affamé.

Les runes hurlèrent avant de s'éteindre.

Derrière...

un jouet brisé.

Une toupie.

Abandonnée dans la poussière.

Kael sentit sa gorge se serrer.

L'enfant translucide...

Il reprit le mouvement.

Le kusarigama claqua.

La pierre vola.

— Quatre.

Il leva les yeux.

Ce couloir...

Une infinité.

Un piège sans fin.

Un tunnel sans sortie.

Mais il persévéra.

Ses pas claquaient.

Ses bras brûlaient sous le poids du kusarigama.

Et pourtant...

il irait jusqu'au bout.

Dans son idée.

Dans sa folie.

Tous les libérer.

Il frappa.

Encore.

Toujours.

Murs.

Portes.

Chaînes.

De toutes les manières possibles.

Et imaginables.

Le kusarigama traçait sa danse noire.

Un cercle de ruine.

Un marteau.

Un fouet.

Un croc.

Une faux.

Ses bras brûlaient.

Ses muscles criaient.

Mais il ne s'arrêta pas.

Chaque impact faisait trembler les murs.

Chaque rune éclatait dans une pluie d'étincelles.

Chaque cri spectral s'éteignait dans le vide.

Kael ne comptait plus.

Il avançait.

Comme une machine.

Comme une sentence.

Jusqu'à ce que...

Le poids se dissipa.

Le souffle de l'air changea.

Un frisson traversa son échine.

Puis la fenêtre apparut.

⟡ [Interface – Système] ⟡

Kael resta immobile.

Ses doigts crispés sur la chaîne.

Ses yeux dorés fixant l'écran.

Une pulsation froide courut dans ses veines.

Son corps s'était adapté.

Forgé.

Durci.

L'arme ne pesait plus soixante-dix kilos.

Elle pesait moins.

C'était du moins le ressenti qu'il avait.

Il savait que le poids n'avait pas bougé pour autant.

Ou alors...

il avait grandi assez pour la porter.

Un souffle échappa de ses lèvres.

Sec.

Inflexible.

— ... C'était temps.

Puis il leva de nouveau l'arme.

Prêt pour la porte suivante.

Kael la souleva.

Le kusarigama.

Et il réalisa.

La légèreté soudaine.

Pas parce que sa force avait grandi.

Non.

Il avait compris.

Une évidence.

Un mouvement.

Un rythme.

Ses doigts se crispèrent sur la chaîne.

Il la fit tourner.

Une fois.

Deux.

Puis la vitesse monta.

Hallucinante.

Sifflante.

Comme si l'air lui-même se pliait à sa danse.

La chaîne décrivait des cercles parfaits.

Fluides.

Implacables.

L'arme qui pesait soixante-dix kilos devenait un prolongement de lui.

Un membre de plus.

Kael serra la chaîne.

Son regard glissa vers les geôles encore scellées.

Un terrain parfait.

Pour tester.

Pour apprendre.

Il avança.

La première.

Un cercle.

Un seul.

La chaîne siffla dans l'air.

Un tourbillon noir.

La porte éclata en fragments.

Les runes se consumèrent aussitôt.

Kael esquissa un sourire froid.

— ... Fluide.

La suivante.

Il lança la lame vers l'avant.

Un fouet.

Sec.

Précis.

L'acier traversa la pierre comme du papier.

Les chaînes intérieures furent arrachées en un seul geste.

Kael inspira.

— ... Tranchant.

Troisième.

Il tira d'un coup sec.

La chaîne s'enfonça dans les gonds, s'y accrocha.

Un mouvement.

Une traction.

Le mur entier céda, arraché comme une porte de bois pourri.

Kael redressa le kusarigama.

Ses yeux dorés luisaient.

— ... Docile.

Dernière geôle.

Kael inspira.

Son bras se tendit.

Le kusarigama tourna, rapide, furieux.

Un cercle parfait.

Un ouragan noir.

La porte explosa dans une gerbe de poussière.

Les runes éclatèrent une à une, comme des miroirs brisés.

Mais derrière...

pas de cris.

Pas de chaînes.

Pas d'ombres.

Seulement... un silence.

Un silence plus lourd que les hurlements.

Plus oppressant que les murs.

Kael s'avança d'un pas.

Ses yeux dorés fixèrent l'obscurité.

Et là—

Deux yeux.

Clairs.

Suspendus dans le noir.

Un regard qui le fixaitdéjà.

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