Kael resta à genoux.
Ses doigts crispés dans la pierre fendue.
Ses yeux dorés, rougis, brillaient d'un éclat trouble.
Une larme roula sur sa joue.
Il ne chercha même pas à l'essuyer.
— ... Je suis désolé.
Sa voix tremblait.
Brisée.
Presque étranglée.
— J'aurais dû t'écouter...
Le silence pesa.
Épais.
Saturé de son souffle haché.
Thana le fixait.
Son halo vacillait, fragile, mais son regard restait ferme.
Elle ne dit rien.
Elle attendit.
Kael serra les dents.
Ses poings tremblaient, maculés de sang séché.
Chaque fibre de son corps vibrait encore des restes de ce Magia consumé.
Il inspira.
Longuement.
Comme pour s'ancrer à nouveau.
Puis releva la tête, ses yeux encore humides.
Il ouvrit la bouche.
Prêt à s'excuser encore.
Mais Thana le coupa net.
— Tu as bien fait, finalement.
Kael cligna des yeux, figé.
Son souffle se suspendit.
— Parce que grâce à ton erreur... je sais maintenant d'où vient ton sang.
De quelle lignée démoniaque tu descends.
Elle marqua une pause.
Son halo vibrait d'une intensité glaciale.
— Et ça veut dire qu'à l'avenir, nous saurons où chercher.
Comment t'aider à la contrôler.
Comment obtenir des réponses.
Kael resta bouche bée.
Il ne comprenait pas.
Pas tout de suite.
Ses pensées se brouillaient encore.
Son corps tremblait.
— Ta lignée est vampirique, Kael.
Le silence tomba comme une lame.
— Je ne sais pas si cela vient de ton père... ou de ta mère.
Mais elle est là.
Dans ton sang.
— Et avant d'aller plus loin, écoute-moi bien, Kael.
Oublie les pieux.
Oublie l'ail.
Les croix.
L'eau bénite.
Toutes ces absurdités que les humains se racontent...
si tu y crois, je vais vraiment me fâcher.
— Par contre, en ce qui concerne le sang...
J'ai peu d'informations, mais ça, c'est en partie vrai.
Les capacités vampiriques reposent dessus.
Elles exigent du sang.
Souvent en grande quantité.
Même les vampires de lignée pure, ceux dont le sang est supérieur à celui de toutes les autres races, n'y échappent pas.
Leur génération de sang est plus riche, plus dense, oui.
Mais elle reste insuffisante s'ils utilisent leurs dons régulièrement.
En temps de guerre, par exemple, cette limite devient un gouffre.
— Mais les clichés de ton monde s'arrêtent là !
Pas de malédiction divine.
Pas de croix.
Pas de soleil meurtrier.
Tout ça... ce ne sont que des fables humaines.
Ici, il n'existe qu'une vérité :
ton sang.
Et ce qu'il est capable de soutenir.
Thana s'approcha un peu plus.
Son halo vibrait d'une intensité ferme, sans appel.
— Donc maintenant, écoute-moi bien.
Fais-moi la promesse...
de ne plus jamais absorber volontairement autant de Magia démoniaque sans mon accord.
Sa voix claqua comme une lame.
Pas une demande.
Un ordre.
Puis elle ajouta, plus bas, plus grave :
— Et en échange... je te fais la promesse, Kael.
Celle de te trouver quelqu'un capable de t'apprendre à l'absorber convenablement.
À le canaliser.
À l'utiliser... sans qu'il ne te détruise.
Thana soutint son regard un instant.
Kael baissa la tête, incapable de la fixer plus longtemps.
Une ombre passa dans ses yeux.
Un voile de déprime.
Elle soupira doucement.
Puis, d'une voix plus mesurée :
— Pour ce qui est du processus d'inspiration et d'expiration... tu as pu le réaliser parfaitement.
Si l'on prend en compte que tu as volontairement gardé le Magia démoniaque.
Kael tressaillit.
Ses poings se crispèrent sur ses genoux.
Il ne répondit pas.
— Je n'ai plus besoin de te l'enseigner, poursuivit Thana.
Et tu n'as plus besoin de continuer l'exercice.
Ses yeux minuscules brillèrent d'un éclat sérieux.
— Car durant ta frénésie précédente... même en combattant, tu as continué.
Le processus d'absorption.
Et de filtrage.
Un silence pesa.
Kael releva à peine la tête, encore perdu.
— Donc, pour l'instant... nous arrêtons ici.
Tu n'as qu'à récupérer physiquement.
Et nous pourrons continuer... plus tard.
Mais soudain...
Peut-être à cause du calme qui venait de retomber,
Kael l'entendit.
Un brouhaha.
Un fracas métallique.
Des chaînes qui s'entrechoquaient dans tous les sens.
Il fronça les sourcils.
Son souffle se bloqua.
Il ne comprenait pas.
Pourquoi maintenant ?
Pourquoi ce déchaînement soudain ?
Thana prit la parole avant même qu'il ne pose la question.
Sa voix claqua, ferme, assurée :
— Kael, la raison est simple.
Son halo vibra d'un éclat froid.
— C'était le Magia qui étouffait les bruits.
Il jouait le rôle d'un isolant, d'un voile.
Elle le fixa droit dans les yeux.
— Maintenant qu'il a été absorbé...
plus rien ne masque leur présence.
Un tintement plus sec résonna, juste derrière eux.
Kael se raidit.
Sa peau se couvrit d'un frisson.
— Donc, dit Thana, le moment est venu.
Il est temps de les libérer.
Les tintements résonnaient encore, sourds, oppressants.
Kael serra les poings, ses yeux dorés fixés sur l'obscurité du couloir.
— Alors... quelle est la marche à suivre ?
Thana répondit sans détour.
— On avance.
On rejoint les geôles.
Et on choisit l'ordre dans lequel on libère ces âmes.
Kael fronça les sourcils.
— Les libérer, oui... mais qu'est-ce qui m'assure qu'elles ne vont pas m'attaquer aussitôt ?
Thana baissa légèrement les yeux.
Son halo vibra d'un éclat nerveux.
— Rien ne l'assure.
Mais c'est la règle ici.
Tu brises les sceaux.
Et tu assumes les conséquences.
Un silence pesa.
Seul le fracas des chaînes emplissait l'air.
Kael inspira.
Longuement.
Puis hocha la tête.
— Alors allons-y.
Il fit un pas.
Le couloir s'ouvrait devant eux, saturé d'humidité, résonnant comme un gouffre.
Ses bottes écrasèrent la pierre luisante.
Mais à l'instant même où il franchit le seuil...
Une brûlure éclata sur son épaule.
La marque sombre se mit à vibrer.
Puis à se distordre.
Kael grimaça, son souffle coupé.
La douleur pulsa une seconde...
avant qu'une silhouette n'émerge.
De l'encre mouvante, liquide.
Des ombres fluides qui se détachèrent de sa peau.
Umbra.
Son corps d'ombre se déploya devant eux, surgissant du tatouage de son épaule comme s'il avait toujours attendu ce moment.
L'ombre se déploya devant eux.
Umbra.
Mais sa voix... n'avait rien d'humain.
Un flot de sons gutturaux emplit l'air.
Profonds.
Rugueux.
Comme s'ils résonnaient dans la pierre elle-même.
Kael resta interdit.
Chaque syllabe glissait contre ses tympans sans trouver de sens.
— ... Umbra ?
Il serra les poings, frustré.
Mais Thana, elle, comprit.
Son halo se crispa, son éclat vacilla.
Elle l'écouta jusqu'au bout.
Sans un mot.
Puis elle souffla, lente, grave :
— Il t'a donné un choix.
Kael releva la tête, surpris.
— À chaque victime de ta Predation...
tu peux choisir de la garder en toi.
Ou de l'envoyer... vers le cycle de réincarnation.
Sa voix trembla à peine.
— Ici, beaucoup sont piégés.
Privés du repos qui leur était dû.
Et toi... tu détiens la clé pour les libérer.
Le silence retomba, étouffant.
Kael baissa les yeux, son souffle heurté.
Il ne comprenait pas encore.
Mais il savait qu'il venait d'hériter d'un fardeau...
et d'un pouvoir.
Kael resta un instant figé.
Ses yeux dorés fixés sur l'ombre vacillante d'Umbra.
Puis, soudain, sa voix se brisa dans le silence :
— ... Et ceux qui n'entrent pas dans le cycle de réincarnation ?
Où vont-ils ?
Thana répondit sans la moindre hésitation.
Sa voix claqua.
Froide.
Implacable.
— Au Purgatoire.
Kael resta figé.
Ses yeux s'écarquillèrent.
Un frisson glacial remonta le long de sa colonne.
Le silence du souterrain s'épaissit, seulement brisé par le tintement des chaînes.
— ... Le Purgatoire ?
Thana ne répondit pas.
Son regard sombre se détourna.
Comme si prononcer ce mot une fois suffisait.
Le sol vibra faiblement sous eux.
Et, dans les profondeurs, une plainte étouffée monta.
Longue.
Déchirante.
Kael sentit son cœurs'alourdir.
Comme si ce simple mot...
avait ouvert une porte qu'il aurait préféré garder fermée.
Note de l’auteurLe moindre retour, même quelques mots, m’aide à comprendre comment l’histoire est reçue ici.Si vous avez envie de laisser un commentaire ou une note, n’hésitez pas.Et si vous préférez rester silencieux, je le comprends tout à fait.
Merci à vous, et j’espère sincèrement que la suite vous plaira.Bonne lecture.
