Ficool

Chapter 58 - 53e Echo : Séduction & Piège

Thana venait de déchirer l'espace,

comme on déchire une feuille fragile entre ses doigts.

Sa rage vibrait encore, indéfectible,

un cri silencieux qui déchirait l'air avec elle.

Mais son corps, lui, ne suivit pas.

Ses jambes cédèrent, trahies par une faiblesse qu'elle refusait d'admettre.

Avant même de franchir la faille, elle flancha.

Son souffle se brisa,

ses épaules s'affaissèrent,

et l'ombre elle-même sembla hésiter autour d'elle.

Elle n'avait pas encore récupéré.

Pas de ce noir.

Pas de ce froid.

Pas de cet emprisonnement qui avait rongé son essence jusque dans ses os.

Mais juste au moment où elle pensa s'écrouler totalement,

écrasée par le poids de sa propre faiblesse...

Kael l'avait déjà compris.

Dès la première seconde, en la voyant chanceler, il avait su.

Et pourtant, il l'avait laissée continuer.

Par respect.

Pour ses sentiments.

Pour cette rage indéfectible qu'elle refusait d'abandonner.

Alors, quand elle faillit céder,

il l'enlaça.

Ses bras se refermèrent sur elle, fermes, protecteurs.

Son souffle contre le sien, stable, ancré.

Il la soutint.

Et, ensemble, il l'aida à franchir la déchirure spatiale.

Version affinée :

On pouvait voir — et même sentir — toute la dimension s'effriter sous leurs pas,

comme si leur départ en annonçait la fin.

Kael enjamba la déchirure avec Thana dans ses bras.

Un frisson traversa l'air derrière eux,

comme si la faille refermait définitivement le rideau sur un monde condamné.

De l'autre côté...

un lieu étrange.

À première vue, cela ressemblait à une salle de trône.

Large. Rougeoyante.

Les murs palpitaient d'une moiteur étouffante,

comme si la pierre elle-même respirait à leur arrivée.

Les murs et les colonnes étaient faits d'une pierre noirâtre,

dure et luisante comme du marbre brûlé.

Chaque colonne portait un étendard rougeoyant.

Mais Kael ne reconnut pas le blason qui y était brodé.

Un symbole étranger, oublié, qui vibrait d'une aura inquiétante.

Dans l'air, des braseros flottaient comme des feux follets,

leurs flammes dansant sans vent,

projetant des ombres mouvantes sur la pierre sombre.

Au bout de la salle, au sommet de quelques marches,

une silhouette était assise sur un trône.

Tremblante.

À peine perceptible dans la lueur vacillante.

Et pourtant...

l'effroi qu'elle dégageait emplissait toute la salle,

comme une respiration glaciale au cœur même de la chaleur.

Thana tenta de se relever.

À bout de souffle, son corps tremblait encore, mais elle força, refusant de céder.

Kael la stoppa net.

Sa main ferme sur son épaule, son regard plongé dans le sien.

Ils se fixèrent.

L'un contre l'autre.

Elle, penchée, vacillant à moitié sur ses jambes.

Lui, solide, la retenant comme pour empêcher sa volonté de la briser davantage.

Thana haletait, les lèvres entrouvertes, l'orgueil encore accroché à ses yeux.

Mais Kael secoua doucement la tête.

Un signe clair.

— Assez.

Il n'avait pas besoin de mots.

Le message était limpide : elle avait déjà fait plus qu'assez.

Désormais, c'était à lui de s'en occuper.

Thana esquissa un sourire sincère.

La tête légèrement inclinée, un éclat joyeux traversa son visage.

Cela faisait si longtemps...

Kael ne se souvenait pas de l'avoir vue ainsi.

Elle posa sa main contre son torse.

Un contact léger, presque fragile, mais chargé d'une intensité brûlante.

Son souffle se fit murmure.

À peine audible.

— Je pense que tu es prêt pour l'étape suivante.

Sa voix vibra comme une confidence sacrée.

— Accepte ceci... et élève-toi là où aucun mortel ne s'élèvera jamais.

Deviens ma voix.

Deviens mon courroux.

Deviens ma moitié.

Nous sommes deux, mais nous ne ferons qu'un.

Partageant le même destin.

Chacun soutiendra l'autre.

Chacun souffrira pour l'autre.

Un frisson parcourut Kael tandis que les mots s'ancrèrent en lui.

— Accepte ce présent... et élève-toi maintenant, Kael.

Au moment où Thana prononça ses derniers mots,

deux impulsions jaillirent de sa paume posée sur le torse de Kael,

juste à l'endroit de son cœur.

Un double éclair, sombre et doré,

qui traversa sa chair comme si ses paroles avaient été la clé d'activation.

Kael hurla.

Un cri brut, animal, fendu par la douleur.

Ses veines se gonflèrent aussitôt,

devenues noires et saillantes sous sa peau,

comme prêtes à éclater.

On aurait dit que des torrents d'un liquide noir avaient été injectés en lui,

forçant leur passage, inondant son corps avec une brutalité insoutenable.

Son souffle se brisa.

Ses membres tremblaient.

Chaque pulsation martelait son ossature comme une enclume.

Alors, au milieu de ce chaos,

le rythme commença.

Un tambour.

Lourd.

Sourd.

Un battement venu d'ailleurs, résonnant dans l'air comme dans ses veines.

Puis un deuxième.

Plus rapide.

Puis un troisième, plus fort, plus proche.

Le sol lui-même vibrait au rythme de cette cadence.

Une psalmodie gutturale monta,

voix d'outre-tombe récitant une langue oubliée.

Chaque mot s'ajoutait au précédent comme une chaîne rituelle,

accélérant la pulsation,

accélérant la douleur.

Kael arqua le dos,

son cœur frappé de l'intérieur,

comme si une forge invisible y battait un métal incandescent.

C'est alors qu'une fenêtre surgit dans le coin de sa vision.

Vacillante. Tremblante.

Système — ??? Princesse des Enfers observe.

Le message se figea.

Puis les lettres se déformèrent,

tremblant comme si elles se réécrivaient d'elles-mêmes.

Observation mise à jour.

Autorité identifiée : Mort.

Un silence glacé sembla traverser la fenêtre,

comme si Lilith elle-même avait retenu son souffle en reconnaissant la signature.

Puis la notification disparut, avalée par le noir.

Kael, lui, n'entendait plus rien.

Le tambour battait de plus en plus vite.

De plus en plus fort.

Jusqu'à frôler la transe.

Et puis...

Le point culminant.

Un impact unique, absolu.

Dans son cœur, là où brûlait autrefois sa première flamme de Magia,

quelque chose germa.

Thana y fit descendre son Magia noir,

le condensa, le compressea,

jusqu'à façonner une graine.

Une Graine d'Autorité primale.

Encore endormie.

Mais bien là.

Prête à croître avec lui.

Prête à s'élever.

Puis tout s'arrêta.

Net.

Silence.

Comme si l'univers lui-même venait de retenir son souffle.

Thana rassembla ce qu'il lui restait d'énergie.

Sa voix trembla, déjà brisée, lorsqu'elle murmura :

— J'ai utilisé ce qu'il me restait... pour te préparer à l'avenir.

Mais je ne peux plus rien, maintenant.

Tu devras t'occuper de cette traînée seul.

J'en suis dés...

Sa phrase s'éteignit avant même de s'achever.

Kael, sans réfléchir, l'attira contre lui.

Ses mains encadrèrent son visage, sa tête reposant dans ses bras.

Un geste simple, mais absolu.

Comme pour lui dire : plus besoin de continuer.

Il baissa les yeux, son regard grave, déterminé.

— J'ai compris.

Tu en as assez fait.

Je prends la relève.

Il inspira lentement, et ajouta, d'une voix basse mais claire :

— Je ne sais pas exactement ce qui m'arrive.

Mais je sais une chose...

Tu ne m'as jamais fait souffrir sans raison.

Alors... je te fais confiance.

Kael fit apparaître son kusarigama dans un souffle.

La chaîne s'enroula, puis se déploya dans l'air.

Il la fit tournoyer avec une précision glaciale.

Chaque mouvement décrivait un arc parfait, maîtrisé.

C'était une danse... magnifique, mais froide.

Une descente implacable, comme si l'arme elle-même annonçait un jugement.

Ses pas résonnèrent contre la pierre noire.

Un à un, mesurés, inexorables.

Il s'avança vers le trône.

Chaque foulée écrasait un peu plus l'espace.

Et peu à peu, la silhouette qui s'y tenait devint plus nette.

D'abord un contour tremblant.

Puis des formes.

Puis des détails.

À mesure qu'il approchait, l'ombre se transforma en chair.

Et avec elle, la peur se fit plus tangible.

Arrivé à moins de dix mètres d'elle, Kael distingua enfin ses traits.

C'était une femme.

Une silhouette humaine.

Tout en elle respirait l'apparence d'une mortelle — sauf ses yeux.

Rouges sang. Incandescents.

Il ne s'attendait pas à ça.

Il avait imaginé une créature difforme, une semi-humaine corrompue...

Pas une humanoïde à cent pour cent.

Mais même sous ce masque trompeur, Kael ne ralentit pas.

Il continua d'avancer.

Et sous ses pas, le sol se fissurait.

Comme si son poids avait été démultiplié à chaque foulée.

La Reine voulut reculer.

Mais son trône l'enchaînait plus sûrement qu'une geôle.

— Ne t'approche pas !

Reste là... et ne t'approche pas !

Sa voix tremblait.

Un mélange d'effroi et d'autorité brisée.

Elle tenta de se lever, mais ce qu'elle ressentit la plaqua aussitôt au sol.

Une pression invisible l'écrasa, l'empêchant de se redresser.

C'était une atmosphère de domination.

Elle l'avait déjà connue.

Mais jamais ainsi.

Jamais de cette intensité.

Jamais de la part d'un... mortel.

Dans son esprit, un nom résonna.

Cette aura n'était pas celle d'un homme.

C'était celle de Dame ???.

Elle refusa de céder.

Rampant péniblement, elle s'agrippa au trône et, par un effort désespéré, parvint à s'y hisser à nouveau.

Sa ténacité à survivre lui arracha ce maigre triomphe.

Mais à peine eut-elle repris place...

qu'une chaîne noire surgit.

Elle s'enroula autour du dossier du trône, puis de son cou.

Froide. Serrée.

L'immobilisant totalement.

Kael s'approcha d'elle.

Son visage était livide.

Ses yeux insondables.

Aucune émotion, seulement ce froid absolu qui la glaçait jusqu'à la moelle.

Il se pencha, si près qu'elle put sentir son souffle, mais il n'y avait aucune chaleur dans ce souffle.

Seulement le vide.

Et sa voix s'éleva, basse, irrévocable :

— Tu sais qui je suis.

Tu te rappelles ce que je t'ai dit.

J'ai beaucoup de choses à partager.

Et aussi... à te remercier.

Tu t'es bien amusée, n'est-ce pas ?

Il est temps que je te rende la pareille... comme il se doit.

Et par la même occasion, tu vas m'aider à comprendre ce que je suis devenu.

Mais ne t'inquiète pas.

Je m'arrangerai pour que tu ne meures pas trop vite.

On va prendre notre temps...

toi et moi.

(Silence. Elle tremble, incapable de détourner les yeux.)

Il baisse les yeux sur elle et murmure :

— Chère Reine... Tu sais maintenant où est ta place.

(Silence)

... [Aura de Domination acquise.]

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