Ficool

Chapter 8 - Les Ombres de la Route

La forêt avait cessé de saigner.

Le silence, lourd et profond, recouvrait les ruines d'un monde ancien.

Là où des montagnes d'os et de racines s'élevaient, il ne restait plus qu'un calme étrange, presque sacré.

Sous la lune blafarde, Ryo restait agenouillé.

Ses doigts tremblaient encore, non de douleur, mais d'un vertige qu'il n'avait jamais ressenti : celui du pouvoir absolu.

L'air autour de lui vibrait, chargé d'une énergie qui ne lui appartenait pas — ou peut-être que si.

Il n'y avait plus de distinction entre ce qu'il avait pris et ce qu'il était devenu.

Le vent se leva doucement, caressant la cendre qui couvrait le sol.

Chaque bourrasque semblait porter une voix, un murmure.

C'étaient les vestiges des bêtes qu'il avait vaincues, des âmes sauvages absorbées dans le Néant.

Elles ne criaient pas… elles le saluaient.

> — Alors, c'est fini… ? murmura-t-il.

Sa voix s'éteignit dans la brume.

Mais la forêt, ou ce qu'il en restait, semblait répondre d'un frisson.

Les arbres morts s'inclinaient, les feuilles brûlées tourbillonnaient autour de lui.

Le monde acceptait son nouveau roi.

Il resta encore un instant, immobile, à contempler ce qu'il venait de détruire — et de créer.

Puis il se releva.

Le trône d'ombre qu'Erevos lui avait laissé se dissout derrière lui, absorbé dans la terre noire.

Son pas souleva la poussière.

La Forêt des Abîmes s'effaçait dans le vent.

---

Le jour commença à poindre.

Ryo marchait depuis des heures, guidé par rien d'autre que l'instinct.

Les arbres se faisaient plus rares, les racines moins denses.

Enfin, il vit la lumière du matin filtrer entre les branches.

Un horizon.

Pour la première fois depuis sa renaissance, il quittait la forêt.

Devant lui s'étendait une vaste plaine.

L'air y était différent — plus sec, plus lourd.

La nature ne dominait plus ici : c'était un territoire où l'homme imposait son ordre.

Et cette simple idée fit naître un léger malaise en lui.

Ryo s'arrêta sur une colline, observant la vallée en contrebas.

Un chemin de terre serpentait à travers les herbes hautes.

Plus loin, la fumée montait : un campement.

Des voix. Des pas. Des rires.

Des humains.

Il inspira profondément.

Un sentiment contradictoire monta en lui : curiosité… et dégoût.

Ces êtres faibles, ces ombres arrogantes qui croyaient posséder le monde.

Mais au fond, il voulait savoir :

qu'étaient-ils devenus, dans ce monde où la force faisait loi ?

---

Il s'avança lentement, le manteau noir flottant derrière lui.

Chaque pas résonnait dans la poussière, chaque souffle faisait vibrer l'air.

Puis il entendit un bruit métallique : une lame tirée de son fourreau.

— Halte ! cria une voix.

Ryo leva les yeux.

Trois silhouettes se tenaient sur le chemin.

Des hommes, couverts d'armures usées, les visages marqués par la fatigue et la crasse.

Des brigands.

Leur chef s'avança, un sourire carnassier aux lèvres.

— J'aurais juré que plus personne ne sortait vivant de cette foutue forêt… T'es quoi, toi ? Un survivant ? Un monstre ?

Ryo ne répondit pas.

Il observait.

Trois cœurs. Trois rythmes. Trois faiblesses.

> — Je passe, dit-il simplement.

Les hommes éclatèrent de rire.

Le chef leva son épée.

— Pas avant de payer le droit de passage, étranger.

Les routes appartiennent à ceux qui les gardent.

Ryo soupira.

— Alors je vais les reprendre.

Le premier brigand attaqua.

Une simple feinte. Ryo esquiva sans bouger les pieds.

Le second tenta de le surprendre par derrière ; il ne fit qu'un geste.

L'air vibra, et le corps de l'homme s'effondra, vidé de toute force.

Le troisième resta figé, tremblant.

> — Tu… t'es quoi, toi ?

Ryo le regarda, son œil gauche assombri d'une lueur noire.

— Celui que la forêt a choisi.

Le chef, pris de panique, fonça à son tour, libérant une onde d'énergie rouge — une compétence.

Ryo la sentit.

Il n'eut besoin que d'un regard.

La lumière rouge se fragmenta, absorbée dans le vide de sa pupille.

Le bandit tomba à genoux, incapable de comprendre.

Ryo s'approcha, posa deux doigts sur son front.

— Merci pour le cadeau.

Une décharge d'énergie sombre passa entre eux.

L'homme hurla, puis s'effondra, inanimé.

Silence.

---

Fragment d'analyse — Brigand Chef

> Compétence observée : Fusion d'Essence

Permet de combiner plusieurs aptitudes pour créer une nouvelle forme d'énergie.

Compétence copiée : Assimilation de Flux — améliore la compatibilité entre pouvoirs absorbés.

---

Ryo resta un moment immobile, le regard perdu sur les cadavres.

Puis il sentit quelque chose.

Une présence.

Loin, mais claire.

Sur la route, un jeune homme observait la scène, tétanisé.

Ses yeux étaient larges, emplis d'effroi.

Ses mains tremblaient autour d'une lance.

— Toi, murmura Ryo.

— Tu les connaissais ?

— N… non, répondit le garçon. J'étais prisonnier d'eux. Vous… vous les avez tués ?

Ryo ne répondit pas.

Il s'éloigna lentement, sans même le regarder.

Mais le garçon le suivit, hésitant, les yeux brillants de fascination.

— Attendez ! Qui êtes-vous ?

Ryo s'arrêta, sans se retourner.

Le vent fit flotter son manteau noir.

— Un homme qui n'aurait pas dû renaître.

Et il reprit sa marche.

Le garçon, lui, resta planté là, figé entre peur et admiration.

Ce fut la première rumeur.

Le premier témoin.

Le Roi du Néant quittait la Forêt des Abîmes,

et le monde commençait à trembler.

---

> "Ce n'était plus le monde des hommes qu'il traversait,

mais celui qu'il allait rebâtir."

More Chapters