Ficool

Chapter 5 - Un choc.

Noé. 

Mon dieu, il se passe quoi, encore ? Je l’ai vue me transpercer. Comment est-ce que je peux être vivant ? Je vais me pincer, ça doit être un rêve. 

Ce n’est pas un rêve. Non, c’est bien réel. Je ne sais pas comment c’est possible que je sois dans ma chambre, à l’instant, alors que je viens de vivre la mort y’a trente secondes à peine.

Je me levai du lit et pandiculai tous mes membres afin de les driller au réveil. Je partis ouvrir les stores pour laisser cette boule d’énergie étinceler la pièce entière. Ma main droite s’appuya sur le rebord de mon bureau. Mon dos me faisait mal, j’avais l’impression que ça tirait puissamment vers le haut et l’arrière, c’était déplaisant. 

Mon orteil se cogna sur le coin du lit, ce qui me fit sortir un cri d’agoni. L'une des pires douleurs au monde. 

Je partis vers la salle de bain en boitant, avec l’objectif de débarbouiller mon visage. Une fois arrivé, j’eus le sentiment que j’avais pris un coup de vieux. Rien de nouveau n’était survenu, mais il était comme “marqué” par les difficultés de la vie. 

Durant la douche quotidienne, une pléthore de pensées vinrent me rendre visite. D’une joie d’être toujours vivant à une intrigue interne de l’être. 

 

Vers 11 heures. 

J'envoyai un message à Chris afin de lui demander de me rendre visite dans la journée. 

Sa réponse ne se fit pas attendre. Il me dit qu’il passerait aux alentours de 15 heures. Il m’avait bombardé de questions pour savoir la raison de cette envie, mais j’avais tout esquivé en lui disant qu’il comprendrait une fois venu. 

 

Bientôt 15 heures. 

Je n’ai absolument rien fait en l’attendant. Rien du tout. Je me suis posé sur le fauteuil, avec la télé allumée pour avoir un bruit de fond, et j’ai laissé le temps couler. Je suis resté assis plus de trois heures sans dérangement. Les seules distractions que j’ai eues sont la tchatche avec Laura. Elle m’a remercié pour le bon moment passé en ma compagnie hier. Et moi, je l’ai remercié en retour. C'était la seule chose que je pouvais faire, car ce n’était pas moi qui étais avec elle. J'étais présent, mais absent. Elle contemplait mon absence avec la présence d’un autre. 

Au moins, elle a passé un bon moment. C'est mieux que rien. Je suis sûr qu’il a fait que moi, de tout façon. 

 

15 h 30. 

Chris sonna enfin chez-moi. Je partis lui ouvrir en étant désinvolte, sans aucune once d’énergie dans le corps. J'étais vidé, dépouillé de mon désir de continuer le cours de mon existence. 

Il le ressentit directement et me demanda ce qui n’allait pas. Sa présence me fit énormément de bien. Sans lui présent aujourd’hui, je pense que je me serais suicidé. Être présent et absent en même temps, c’est trop dur. Je ne peux plus le supporter. 

- Chris, je te jure que ça fait trop mal. Je l’ai vue me tuer, me transpercer l’esprit, et pourtant, je suis toujours là. Je n’y comprends rien. Rien. Que dalle. C'est le néant complet. Si tu n’étais pas venu, j’aurais commis une grosse bêtise. 

Il leva ses sourcils et posa sa main sur mon épaule, en me demandant de tout lui expliquer de A à Z. 

Une fois expliqué, des larmes coulèrent. Je ne pouvais les contenir, c’était plus fort que moi. Les émotions avaient gagné et me laissaient dans le désespoir complet. 

Une longue discussion d’une heure muta le silence sur les évènements récents. Chris était autant confus que moi. Aucun de nous deux ne parvenait à saisir le sens des paroles de cette ombre. On n’arrivait pas à comprendre le pourquoi du comment, en compagnie de Laura, il se passait toutes ces choses. Tout ce qu’on savait, c’est qu’on ne savait rien. Notre ignorance nous berçait. 

Je n’osai pas lui demander de dormir ici cette nuit. J'avais peur qu’il trouve que j’en faisais trop. Heureusement qu’il me dit qu’il n’allait pas me laisser seul avant qu’on ait réglé ce tracas. Malheureusement, il me proposa de sortir dehors, en pleine nuit, pour que j’affronte cette mésentente intérieure. 

Il est gentil, c’est un vrai pote, mais je n’ai pas l’envie de sortir dehors. Encore moins depuis ce qui s’est passé. 

Comme il s’est déplacé pour me réconforter, j’acceptai sa proposition. 

 

Aux environs de 21 heures. 

Après une session de Play sur Fifa, on décida de sortir. La période saisonnière permit au soleil de ne pas s’être déjà endormi. 

Dans la rue, l’odeur d’un barbecue voisin activa notre sens olfactif. Les gens profitaient de la vie avec leur entourage, leur famille. Et nous, on sortait, non pas pour profiter, mais pour une purification. J'émis un rire discret en y pensant. 

Un crachin s’invita à nos côtés le temps d’un instant. Cette douce pluie était agréable au toucher, comme si elle voulait me caresser la peau. J'ouvris les mains et la laissa passer au travers de mes doigts, puis je fermai le poing et ressentis l’impact de la collision entre elle et moi. 

Chris ne parlait pas, il me laissait me dégager de mes pensées tant qu’on était dehors. Il savait comment aider quelqu’un à aller mieux, trouvant à chaque fois les mots justes au bon moment. 

- Ça te dit qu’on aille dans cette ruelle ? me dit Chris. 

- T'es sûr que c’est une bonne idée ? Elle est réputée pour posséder une maison abandonnée qui n’inspire pas confiance, répondis-je. 

- Mais oui, t’inquiète. Ce n’est qu’un simple logis, ça ne peut pas t’atteindre. 

Je n’étais pas serein, loin de là, mais j’acceptai sa suggestion. Étant jeunes, on avait l’habitude de faire de l’urbex pour ressentir l’adrénaline envahir les pulsations de notre cœur. On en a connu, des histoires glauques. Ça nous a forgé, renforcé. Je me suis dit que c’était une excellente initiative de recouvrer ces souvenirs. 

L'allée était déserte. Plus vide que ça, ce n’est pas possible. Les candélabres étaient éteints. L'air soufflait les poussières de la rue. Les maisons semblaient mortes, aucun signe de vie à l’intérieur. On aurait dit que tout le monde avait décidé de quitter ce trou à rats. 

Après une inspection minutieuse de chaque détail englobant la ruelle, on arriva devant la maison en question. 

Elle ne dégageait rien qui vaille. Une aura qui faisait frissonner les poils du corps humain. Les fenêtres étaient délabrées, presque tombantes. Y avait un énorme trou sur le toit qui laissait l’éclairage lunaire y pénétrer. Bref, un endroit où personne ne veut s’y aventurer. 

Arrivé devant l’entrée, Chris se jeta sur la porte avec détermination. Aucune précaution, celui-là. 

La porte, vraisemblablement en piteuse état, tomba par terre. Chris décida de marcher sur elle, comme un vulgaire déchet qui ne méritait aucune attention. Bon, s’il le fait, je vais le faire. Flemme de respecter un lieu que personne ne respecte. 

Une fois rentrés, une odeur infecte se répandit à travers nos narines. Une odeur à faire vomir. Le tout entremêlé à une poussière envahissant nos habits et notre vue. 

- Quelle odeur, putain ! cracha Chris. Si j’avais su, j’aurais pris un masque pour ne pas m’infecter de cette merde. 

Sur le coup, il n’a pas tort. Ça pue tellement que je n’arrive pas à me concentrer sur l’expédition. 

- Si ça te dérange tant que ça, on peut partir, tu sais, lâchai-je furtivement en espérant qu’il mordrait à l’hameçon. 

- Tu plaisantes ! Certainement pas. Toi, tu vas à gauche. Je prends l’autre côté. Si l’un de nous deux voit un truc intéressant, il appelle l’autre. 

Je crois que je n’ai pas le choix, finalement. Autant profiter tant que je suis ici. 

Ce n’est quasiment pas possible de marcher sans faillir la chute. C'est insupportable. Des planches en bois démolies en mille morceaux envahissent le sol, avec des clous à moitié sortis d’elles. À tout moment, je marche sur une planche et m’enfonce un clou dans le pied. 

Sans oublier la vue : gênante. C'est impossible de voir quelque chose sans utiliser le flash du téléphone. 

Je parvins quand même à m’insérer dans une pièce minuscule, pas possible à décrire. Je ne sais pas si c’est la cuisine, la chambre, le salon. Aucune idée. Ça pourrait être chaque pièce de cette foutue barraque. 

Je décidai de me diriger vers une porte brune renfoncée au fond du couloir. Je me dis naïvement que ça devait être le garage, au vu de son emplacement. 

Mes mains frottèrent le mur lisse pour garder mon équilibre, jusqu’au moment où mon index et majeur sentirent le vide. C'était une pièce libre d’accès, sans aucune obstruction avoisinante. 

Je traversai le passage en gesticulant la lampe du téléphone dans tous les sens, par crainte qu’il y ait un SDF ou autre. 

Après m’être rendu compte qu’il n’y avait rien de captivant, je rebroussai chemin avec l’ambition de voir ce qu’il pouvait bien y avoir derrière la mystérieuse porte. 

La stupeur s’immisça en moi quand je vis qu’elle avait disparu. Juste un mur livide se trouvait en face de moi. Plus aucun signe de cette porte, comme si elle n’avait jamais existé. 

Je décidai de crier en appelant Chris pour lui faire part de ce changement. Je ne l’entendis pas me répondre. Silence radio de sa part. J'entrepris l’initiative de revenir sur mes pas pour vérifier si tout allait bien. 

 

Chris. 

Maintenant que Noé s’est dirigé du côté gauche, je suis tranquille pour explorer le mien. L'excitation, si présente dans mon corps, me poussa à me dépêcher pour tout regarder, par simple curiosité. 

Plus j’avance, plus la puanteur se manifeste. Je suis obligé de me couvrir le nez avec la manche de mon pull pour calmer cette fétidité. 

Le sol, composé d’un parquet dans un piètre état, ne cesse de grincer à chacun de mes pas. Je manquai de peu la chute quand une partie se fissura sous mon poids. C'est infernal, ce lieu. On croirait que la maison a 200 ans et qu’elle a juste été construite sans jamais y être habitée. 

Le couloir est droit, avec quelques pièces de part et d'autre, rien de plus. Ce n’est pas un labyrinthe, juste une simple ligne droite. 

Quand j’arrivai à l’embouchure du couloir, une porte entrouverte attisa mon œil. Je l’ouvris délicatement et l’entendis grincer gracieusement. Je décalai lentement ma tête sur le côté et m’aperçus que la puanteur provenait d’ici. Je ne voulus pas y rentrer, mais la curiosité humaine est trop imposante pour m’en empêcher. 

Je vis une fenêtre qui penchait vers le bas à cause des fissures présentes sur la cloison. Mon regard scrutait chaque recoin pour ne rien manquer. Il se fit stopper par le recoin de la pièce, par la présence d’un corps à cet endroit. 

“Chris !”, je l’entendais m’appeler, mais je ne parvenais pas à faire marcher mes cordes vocales à cause de ce corps. La seule chose que je pouvais faire, c’était me ressaisir pour dégager le plus loin possible. 

J'ai l’impression qu’il est mort. Je fais quoi ? je m’en approche pour m’en assurer ou je fais semblant de rien ? Je suis paumé, merde ! À la base, de l’urbex, c’est sympa, ce n’est pas comme ça que ça se passe. 

 

Noé. 

Qu'est-ce qu’il fabrique, sérieusement. Il se croit drôle à ne pas répondre dans une maison perdue au milieu de nulle part et en pleine tombée nocturne. Un vrai gosse. 

En faisant marche arrière, j’oubliai les clous présents sur ces foutues planches en bois et en plantai un en plein milieu de mon pied. Putain de merde ! Ça fait giga mal ! 

Je pris le temps de m’asseoir minutieusement pour l’enlever. Arrgh, j’ai une poisse monumentale. Je suis parti pour boiter pendant quelques jours, à cause de cette connerie. 

Une fois que cette tâche fut faite, je me relevai et repris le chemin pour retourner vers Chris.

Le hall d’entrée me fit sortir un souffle de soulagement. Je me dis que j’étais enfin revenu au début. Je n’avais plus qu’à tourner à droite pour le retrouver. 

Je me rendis compte que, gauche ou droite, les couloirs sont les mêmes. Exactement identiques. Ce n’est pas une maison abandonnée pour rien, haha. Les anciens propriétaires ont des goûts particuliers. Ils doivent aimer la simplicité, ce n’est pas blâmable. 

“Hé, Chris, tu fous quoi ? Tu te crois drôle, à faire ce genre de blagues dans ces circonstances ?”, criai-je. Je n’eus toujours aucune réponse et décidai d’accélérer le pas, au cas où il se serait vraiment passé quelque chose. 

Une porte entièrement ouverte se trouva devant moi. Je m’y introduisis et vis Chris statique en plein milieu. 

- Eh, fieux, tu fabriques quoi ? Tu joues à 1-2-3 soleil avec Casper ? 

Si j’avais connu la raison pour laquelle il ne bougeait pas, je me serais abstenu de faire ces commentaires. Un cadavre d’une puanteur sans nom se trouvait devant nous. Je pouvais sentir sa décomposition sans voir le corps. 

Je saisis le bras de Chris et l’emmenai avec moi à l’extérieur de ce bâtiment maudit. On courut sans nous retourner, comme si notre vie en dépendait. 

Arrivé dehors, on tomba sur la route en essayant de nous calmer. L'adrénaline était plus que présente, et on émit un rire incontrôlable en même temps. 

- C'est pour ça que l’urbex tue, mon gars. Je ne m’attendais pas à voir un type mort, mais le ressenti en valait la chandelle, dit Chris avec enthousiasme. 

- Ouais, mais ça reste un mort sans que personne ne soit au courant. Il faut prévenir la police. 

Sans tergiverser, je pris mon téléphone et composai le 112 pour alerter les autorités. 

Quand la police arriva, trois policiers sortirent de la voiture. L'un d’entre eux nous demanda si nous allions bien. On lui répondit “oui” en hochant la tête. 

- Ok, je sais que vous avez déjà expliqué la situation au téléphone, mais vous comprendrez que c’est normal et logique je vous demande un rapport une nouvelle fois, nous dit celui qui semblait être le plus gradé. 

- Bien sûr, on comprend tout à fait, dit Chris sans perdre une seconde. 

Une fois le rapport terminé, les deux autres officiers entrèrent dans la maison, arme à la main. L'attente fut assez longue, mais ils ressortirent en informant celui qui était resté avec nous avec leur compte rendu. 

- Bien. Prévenez les collègues et le procureur général de la situation. On ira toquer aux portes une fois que ces deux-là seront partis, dit-il avec peu d’entrain. 

Il nous invita gentiment à nous en aller, en nous remerciant de les avoir prévenus et en nous disant de ne plus faire d’urbex, car c’était illégal. 

Dos tournés, je tapai la poitrine de Chris en crachant qu’on l’avait échappé belle. Il vaudrait mieux que je m’écoute plus de fois, dorénavant. 

- T'es un vrai rabat-joie. Tu ne vas pas me dire que tu ne t’es pas amusé, si ? Je parie que c’est le cas, sinon tu n’aurais pas rigolé une fois sorti, dit Chris de façon exaspérée. 

- Même si ça venait à être le cas, il faut qu’on fasse gaffe. On n’est plus des gosses. Une seule erreur et la justice sera sur notre dos. 

Je le vis hausser les épaules, pour ensuite, de sa main, me frotter les cheveux comme s’il me savonnait. Il a beau être un enfant parfois, ça reste mon meilleur pote. Et il a raison, je me suis bien marré. Ça m’a permis de ne plus penser à cette ombre et à cette femme. Si c’était à refaire, je le referais, mais avec plus de précautions. 

Et puis, si je meurs demain, j'ai vécu pleinement. Autant ne rien regretter tant que je le peux.

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