Ficool

Chapter 18 - Chapitre 18: Celle-qui-retint-l’Aube

La salle de classe baignait dans une lumière calme, celle du matin filtrant à travers les hautes fenêtres. Mme Ronove avait repris son cours avec son habituel ton posé, mélange de rigueur et d'ironie feutrée.

Star, encore un peu absent, fixait distraitement le tableau sans vraiment lire les symboles arcanique tracés dessus. Ses pensées dérivaient vers la veille : la fuite, Eleanor, Elric, et ce qu'ils avaient réellement réveillé.

Soudain, un bruit sourd fit vibrer la vitre la plus proche.

Un souffle d'air violent souleva quelques feuilles sur les bureaux, arrachant à la classe un frisson collectif. Tous les regards se tournèrent vers les fenêtres.

Et là, dans un éclat presque irréel, une silhouette se hissa d'un bond depuis le sol du campus… jusqu'au troisième étage.

Tom de Vossein.

La scène semblait sortie d'un rêve : il atterrit en équilibre sur le rebord, une main tenant ses chaussures rouges, l'autre serrant un morceau de pain dans sa bouche. Ses cheveux noirs, balayés par le vent, formaient un halo désordonné autour de son visage, et sa cravate flottait derrière lui comme une flamme paresseuse.

L'espace d'une seconde, le temps se figea.

-:" Monsieur de Vossein !" s'exclama Mme Ronove, la voix plus stupéfaite que fâchée.

Le jeune homme esquissa un sourire nerveux, encore à moitié accroupi sur le rebord.

-:"Bonjour, madame ! Heu… j'ai pris un raccourci !"

Un éclat de rire parcourut la classe. Même les plus studieux ne purent s'empêcher d'être impressionnés par la désinvolture de Tom.

Star, elle, resta muette, mi-étonnée, mi-amusée. Il avait encore trouvé le moyen d'attirer toute l'attention sur lui sans le vouloir.

Aïcha, quant à elle, siffla bas, admirative :

"Toujours aussi théâtral, celui-là."

Mme Ronove pinça les lèvres, mais une lueur amusée traversa brièvement son regard.

-:" Un raccourci, dites-vous ? Depuis la cour ? Par les airs ? J'espère au moins que vous avez atterri sur vos deux pieds, M. de Vossein."

Tom, un peu essoufflé, entra finalement dans la salle, s'inclinant maladroitement.

-:"Toujours, madame ! C'est que… je voulais pas être en retard, vous savez. Le portail était… heu… occupé par une manifestation d'élèves. Alors j'ai improvisé."

-: "Improvisé." répéta-t-elle, les bras croisés. "Nous parlerons de vos méthodes d'improvisation après le cours. Asseyez-vous, avant que l'académie décide de vous coller une sanction disciplinaire pour escalade illégale."

Tom traversa la salle sous les regards fascinés et moqueurs. Certains lui lançaient des pouces levés, d'autres chuchotaient déjà son exploit.

Lorsqu'il passa à côté de Star, il lui adressa un clin d'œil discret.

-: "Tu as vu ? J'ai survécu au lundi matin."

Il esquissa un sourire en coin.

-:"Pour l'instant."

Il s'assit à sa place, encore décoiffé, le morceau de pain dépassant toujours d'une poche.

Peu à peu, le cours reprit son rythme. Pourtant, dans la salle, personne n'avait tout à fait retrouvé sa concentration : l'arrivée de Tom venait d'injecter dans la matinée une dose d'énergie et de folie pure, comme si l'académie elle-même avait retenu son souffle avant d'exploser de rire.

Et au fond, même Mme Ronove, malgré son air sévère, ne pouvait nier qu'il y avait quelque chose d'étrd'étrangement rafraîchissant à voir un élève braver la gravité, littéralement, pour ne pas rater son cours.

Le cours suivait son rythme paisible, ponctué par les explications de Mme Ronove et les grattements réguliers des plumes sur le papier.

La matinée avait repris une allure presque normale après les péripéties du jour précédent. Pourtant, dans le regard de Star, une fatigue sourde persistait un éclat trouble qui trahissait une lutte silencieuse, enfouie sous sa façade calme.

Vers le milieu du cours, alors que Mme Ronove évoquait les runes de concentration et les principes d'ancrage mental, Star sentit soudain une lourdeur étrange s'abattre sur elle. Le monde sembla se dilater, les voix se fondre en un bourdonnement indistinct.

Sa vision se brouilla.

Sa vision se brouilla.

La lumière du jour se mua en un halo blanc déformé.

Un frisson parcourut sa nuque.

Puis, plus rien.

Son corps bascula lentement vers l'avant avant qu'Aïcha, alertée par le bruit de la chaise, ne se lève d'un bond pour la rattraper.

-:" Star ?! Hé !"

Tom, déjà sur pied, renversa sa table pour la rejoindre.

Mme Ronove interrompit sa phrase, la stupeur gravée sur le visage.

-:" Amenez-la immédiatement à l'infirmerie. Pas une seconde à perdre."

Tom hocha la tête, déjà en train de soutenir Star par les épaules. Aïcha ouvrit la voie, écartant les élèves qui s'amassaient dans le couloir.

Leur course résonna à travers le bâtiment D, rythmée par le claquement précipité de leurs pas.

À l'infirmerie de l'académie, La pièce baignait dans une lumière pâle, presque froide.

Le tic-tac régulier d'une horloge murale semblait résonner dans le vide, oppressant.

Star, étendue sur le lit, respirait lentement, son visage inexpressif. Sa peau paraissait presque translucide sous les néons.

Aïcha observait la scène, nerveuse, tandis que Tom discutait brièvement avec l'infirmière avant de revenir s'asseoir à son chevet.

-:" il respire bien. Aucun traumatisme visible." dit-il, mais sa voix tremblait légèrement.

Aïcha hocha la tête sans le regarder, les bras croisés.

-:" C'est pas normal, Tom. Pas après tout ce qu'on a vécu hier."

Pendant ce temps, Star dérivait.

Il ne sentait plus son corps.

Ni la chaleur, ni la froideur.

Seulement un espace… vide.

Une mer de lumière blanche s'étendait à perte de vue, sans horizon, sans sol tangible. Chaque pas qu'elle faisait semblait effacer le précédent, comme si elle ne laissait aucune trace de son existence. Le silence était absolu, presque vivant.

Puis, une voix se fit entendre. Douce. Lointaine. Résonnant non pas dans l'air, mais dans sa tête.

-:" Tu continues à lutter…"

Le zéro leva les yeux.

Devant lui, une silhouette émergeait du néant : drapée d'un voile noir constellé d'étoiles mouvantes, comme si le ciel tout entier s'était plié autour de sa forme.

Aucune lumière ne semblait la traverser ; son visage demeurait dissimulé sous un voile argenté où miroitaient des constellations. Seules ses mains fines et squelettiques ressortaient, d'un blanc spectral.

-:" Ta conscience se fissure, et pourtant tu refuses encore de céder. Visiblement, tu es déjà… entre les deux."

Star sentit son cœur battre, faiblement, tel un écho venu d'un autre monde.

-:" Qui êtes-vous ?" murmura-t-il, sans réellement comprendre s'il parlait à voix haute.

Un souffle d'étoiles sembla parcourir la silhouette.

-:" Je suis celle qu'on a effacée de la mémoire du réel. Celle-qui-retint-l'Aube, le fragment du Rejet, une ombre de ce que vous appelez origine."

Autour d'elle, la blancheur commença à se fissurer. Des fragments d'obscurité flottaient, comme des éclats d'un ciel renversé. La voix reprit, plus proche.

-:" Les projets, les noms effacés… tout cela te relie à moi. Tu as vu et tu verras trop tôt ce que tu n'aurais pas dû trouver ni comprendre maintenant."

-:" Mais pourquoi… moi ?" demanda Star, la gorge serrée.

-:" Parce que tu es un reste. Un vestige d'une époque maudite. Une preuve vivante que l'oubli peut échouer."

Un grondement sourd secoua la blancheur environnante. Des veines d'ombre serpentèrent sous ses pieds.

-:" Réveille-toi avant que les dirigeants de cette époque ne te trouves … ou ils refermeront la porte."

La silhouette leva lentement la main, et une pluie de poussière d'étoiles se mit à tomber, effaçant tout autour.

Star inspira brusquement. Ses yeux s'ouvrirent.

L'infirmerie reprit forme, les bruits de respiration, les silhouettes de Tom et Aïcha penchées sur lui.

-:" Star ! Hé, tu m'entends ?!" lança Tom, soulagé.

Il cligna des yeux, encore perdue entre deux mondes.

Une seule phrase franchit ses lèvres, tremblante :

"Quelqu'un… m'a parlé."

Le silence retomba.

Et dans le reflet du miroir, au fond de la salle, un éclat sombre semblait encore vibrer comme si le voile de la silhouette n'avait pas entièrement disparu.

La chambre était plongée dans une semi-obscurité. Les rideaux tirés laissaient passer quelques lames de lumière orangée qui s'écrasaient en biais sur le sol et sur les draps froissés. Star était assis là, seul depuis trop longtemps, les mains crispées dans les couvertures, les ongles marquant le tissu. Son souffle saccadé semblait résonner dans l'espace étroit ; la pièce entière semblait se contracter avec lui.

-:" Non… non… je ne peux pas… je fais comment ?!"

La pensée tournait, violente, circulaire. Ses bras tremblaient, son cœur cognait. Ce n'était pas seulement du stress, c'était plus profond, un vertige qui ressemblait à une chute.

-:" Ce qui doit arriver… doit arriver. Mais je ne veux pas de regrets…"

La porte s'entrouvrit avec un bruit presque imperceptible. Nyx apparut dans l'entrebâillement, une ombre douce dans la lumière. Ses épaules étaient tendues, ses doigts crispés sur l'encadrement, mais sa voix, elle, n'était qu'un souffle :

-:" Star…"

Elle entra lentement, referma la porte derrière elle et traversa la chambre sans un bruit. Elle s'assit à côté de lui, prudemment, comme on approche un oiseau blessé. Sa main se posa dans son dos, une caresse à peine perceptible.

-:" Qu'est-ce qui s'est passé ? Tom et Aïcha m'ont dit que tu avais fait une scène…"

Sa voix était calme, mais il pouvait deviner l'inquiétude sous cette maîtrise.

Star garda le silence un moment, puis lâcha d'une voix étranglée :

" Tu n'es pas fatiguée de moi ? Tu fais comment pour me supporter ?"

Nyx tressaillit, ses sourcils se froncèrent légèrement. L'espace d'un instant, une lueur d'inquiétude passa dans ses yeux avant qu'elle ne reprenne son masque d'assurance. Elle glissa un peu plus près de lui sur le lit, sa main restant dans son dos, chaleur discrète mais ferme.

-:" Fatiguée de toi ? Jamais." dit-elle doucement. Sa voix n'avait plus rien de posé ou d'automatique, c'était une sincérité nue. "Être avec toi, te protéger… ce n'est pas un fardeau, Star. C'est mon but, mon choix."

Elle détourna un instant le regard vers la fenêtre où la ville animée s'étendait en contrebas, comme un océan de lumières vivantes.

-:" Je sais que je ne suis pas parfaite non plus.

Mais on est tous les deux dans le même bateau, non ?"

Elle se retourna complètement vers lui. Sa main libre vint sous son menton, l'invitant doucement à relever le visage. Ses yeux plongèrent dans les siens.

-:" Regarde-moi. Je suis là. Peu importe ce que tu portes en toi, tu n'es pas seul."

Un long silence s'installa. Le tremblement de Star diminua un peu. Il inspira, mais ses mots tombèrent comme un poids :

"Plus à présent. Je pense que tu n'as plus rien à faire à mes côtés."

Nyx sentit son cœur se serrer, mais elle resta immobile, sa main toujours sur lui. Elle ne le lâcha pas, même alors.

Les yeux de Nyx s'écarquillèrent presque imperceptiblement à ses mots juste assez pour qu'une lueur de douleur traverse son regard, avant qu'elle ne retrouve cette expression douce, calme, mais résolue. Son pouce remonta lentement le long de la joue de Star, une caresse à peine perceptible, tandis qu'elle soutenait son regard avec une intensité désarmante.

-:" Star, écoute-moi…" commença-t-elle, sa voix perdant son accent sec et tranchant pour adopter une teinte plus chaude, plus tremblée. "Rien n'a été faux. Être à tes côtés n'a jamais été une obligation. Ce n'est pas un devoir. C'est là que je choisis d'être, toujours."

Son autre main glissa dans la sienne, ses doigts se refermant doucement autour des siens comme pour ancrer leurs présences dans un instant suspendu.

-:" Je t'ai vu grandir, évoluer, créer. J'ai vu les profondeurs de ton âme se révéler à travers ton art, et tes failles, et même tes silences. Comment pourrais-je me lasser de ça ? De toi ?"

Un silence dense suivit, presque trop lourd pour la petite pièce. Puis Star releva la tête, les traits durcis, la voix étranglée d'une émotion qu'il refusait de laisser paraître.

-:" Arrête. C'est fini."

Son ton claqua comme une coupure nette.

"Tu es censée être au sommet. Sans moi, tu n'aurais pas à t'épuiser autant. Tu mérites mieux, Nyx. Je ne veux plus te mettre en danger, je ne veux plus… de regrets."

Nyx demeura immobile quelques secondes, fixant ce visage fermé qu'elle connaissait pourtant si bien. Puis, lentement, elle resserra sa prise sur sa main, refusant de céder à la distance qu'il tentait d'imposer. Ses yeux brillaient d'une lueur farouche, vibrante.

-:" Arrête. Arrête, Star."

Sa voix trembla, mais pas de peur de détermination.

Sa main libre remonta, se posant contre sa joue, son geste presque révérencieux.

" Tu crois que j'ignore ce que je vaux ? Ce que je mérite ?, un sourire triste effleura ses lèvres, C'est toi, Star. Ça a toujours été toi."

Il ne répondit pas tout de suite. Une larme roula sur sa joue, qu'il ne remarqua même pas. Nyx, elle, la vit. Son pouce la balaya doucement, comme un geste instinctif, protecteur.

-:" Je ne suis pas une chose fragile qu'il faut épargner. J'ai choisi cette vie. Ce chemin. Avec toi. Chaque jour, en connaissance de cause."

Star serra la mâchoire, se dégageant brusquement de son étreinte. Le mouvement fut sec, presque violent, mais ses traits demeurèrent impassibles. Il se leva, dos à elle, le regard fuyant, tentant de reprendre le contrôle de cette émotion qui menaçait de fissurer sa façade.

"Merde… C'est pas bon. Pourquoi est-elle aussi insistante ? Je savais que ce serait pas facile, mais si elle continue…"

Nyx le regarda s'éloigner sans bouger, ses mains retombant lentement le long de ses flancs. La tension dans son regard se mua en une calme résignation. Elle prit une profonde inspiration, cherchant son équilibre, même si la douleur dans ses yeux contredisait la sérénité de son visage.

-:"Naïve ?" répéta-t-elle doucement, un sourire ironique flottant à la commissure de ses lèvres. "Peut-être. Mais je préfère parler d'espoir… ou d'optimisme, même."

Le silence retomba. Seul le souffle du vent venant de la fenêtre entrouverte emplissait la pièce, soulevant les rideaux comme une marée lente.

Star resta debout, immobile, son dos à elle mais dans le reflet de la vitre, Nyx vit son regard. Et malgré ses mots, malgré sa froideur, il tremblait encore.

Nyx se leva lentement, ses gestes calculés, presque cérémoniels. Lorsqu'elle reprit la parole, sa voix avait changé claire, ferme, débarrassée de toute trace de tremblement.

Elle s'était recentrée.

-:" Je comprends que tu aies besoin d'espace en ce moment, Star. Pour réfléchir, pour créer. C'est ce que tu es, et je respecte cela."

Son regard s'adoucit imperceptiblement, mais quelque chose d'inflexible demeurait dans sa posture.

" Mais ne prends pas mon dévouement pour de la naïveté. Ni mon amour pour de la faiblesse."

Star eut un rictus presque imperceptible, une ombre amère passant sur son visage.

-:" Ton amour ?" répondit-il avec un ton glacial. "On n'est rien d'autre que des amis d'enfance. Depuis toujours, tu fais juste la sauveuse ambulante, celle qui croit pouvoir tout réparer. Tu gardes espoir ? Alors espère ma mort, au moins tu respireras un peu."

Les mots frappèrent comme des éclats de verre. Nyx resta parfaitement immobile, le visage impassible, mais la tension dans ses épaules la trahit. Un imperceptible tremblement agita ses doigts avant qu'elle ne reprenne le contrôle.

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