Je pensais que Gabriel m'ignorerait.
Qu'il retournerait à son trône de popularité, me laissant dans l'ombre, comme toujours.
Mais il est venu. En silence. Lentement.
Et il s'est assis à côté de moi.
Il ne m'a pas regardé tout de suite.
Ses yeux fixaient l'horizon, quelque chose au loin, ou peut-être en lui.
Puis il a soufflé :
— « Je suis désolé pour ce que les filles ont fait. Elles sont chiantes parfois. »
Je suis resté bouche bée.
Gabriel, le mec que tout le monde admire, s'excusait… pour elles ?
— « J'aime pas ça. Être leur centre d'attention. C'est lourd, tu sais ? »
Je l'ai fixé, hésitant.
— « Tu dis ça… mais t'as de la chance. »
Aussitôt dit, je l'ai regretté. Je baissai les yeux, gêné.
Mais lui, il souriait.
— « Non. Ce n'est pas de la chance. C'est un choix. »
— « Un… choix ? »
— « Si tu veux devenir le centre d'attention, tu peux. Mais faut que t'arrêtes de croire que t'as pas ta place. »
Je le regardai, perdu entre l'admiration et la confusion.
— « J'sais pas comment faire. J'ai honte… des filles. Et du monde. »
Il posa son coude sur la table, s'approcha un peu, ses yeux dans les miens.
— « Si tu veux changer, faut arrêter de te fixer des limites. Tu peux faire bien plus que ce que tu crois. »
Il se redressa légèrement, ajoutant d'une voix plus dure :
— « La confiance en soi, c'est de là que tout commence. Les gens te regardent comme toi tu te regardes. Plus tu leur montres que t'es grand, plus ils t'élèvent. »
Ses mots résonnaient comme un coup de tonnerre dans ma tête.
— « Et j'me fous de leur histoire d'humilité ou de discrétion à la con. Tout ça, c'est des chaînes qu'ils nous mettent pour qu'on reste à notre place. Moi, j'écoute que ma conscience. C'est elle qui me dit ce qui est bon. »
Je ne savais plus respirer.
C'était trop. C'était puissant.
C'était ce que je rêvais d'entendre depuis toujours.
— « Je veux devenir comme toi. », ai-je soufflé.
Un silence. Puis son sourire.
— « Tu me plais bien, l'intello. »
Il se pencha, yeux brillants d'un éclat étrange.
— « Dis-moi, t'as une petite amie ? »
— « Non… », répondis-je, embarrassé.
— « Et une fille qui te plaît ? »
J'ai rougi. Le cœur battant.
J'avais envie de dire non.
Mais une image s'est imposée à moi.
Rachelle.
Elle était dans la salle.
Assise avec ses amies.
La plus belle fille du lycée. Élégante, mystérieuse, inaccessible.
Et selon certaines rumeurs… elle aurait un faible pour Gabriel.
J'ai tourné la tête vers elle sans même m'en rendre compte.
Gabriel a tout de suite capté.
— « T'as craqué pour elle. », dit-il, sans me laisser le temps de nier.
Je me suis figé.
Et puis…
Il s'est levé, un sourire carnassier au coin des lèvres.
— « Rachelle ! », lança-t-il à travers la cantine.
Je suis devenu blanc. Elle s'est retournée. Tout le monde s'est retourné.
— « Viens t'asseoir avec nous. Y'a un pote à moi qui veut te parler. »
Mon cœur a explosé.
Mon corps a voulu fuir.
Mais ma fierté… m'a cloué sur place.
Rachelle s'est levée.
Et elle a marché vers nous.
Ce jour-là, j'ai compris que ma vie ne serait plus jamais la même.
Car quelqu'un venait de casser mes chaînes.
Et ce quelqu'un s'appelait Gabriel.
Chapitre 2/ suite
— Tu la regardes comme si elle était un mirage, souffle Gabriel avec un sourire narquois.
Ange détourne les yeux, le cœur pris de panique.
— Je ne… Non, c'est rien.
Mais Gabriel avait déjà compris. Rachelle. Bien sûr. Elle était sublime, elle dégageait une aura presque irréelle. Et il n'était pas le seul à le penser.
Gabriel se lève d'un pas tranquille et s'avance vers elle. Avant qu'Ange ait le temps de protester, il la salue, lui parle doucement, puis lui fait signe de venir les rejoindre.
Elle accepte.
Ange sent son estomac se nouer. Il a envie de disparaître.
Rachelle approche leur table, élégante, naturelle. Gabriel lui tire une chaise. Elle s'assoit… juste à côté de lui.
— Salut, dit-elle en regardant à peine Ange, avant de fixer son attention sur Gabriel.
— Voici Ange, dit calmement Gabriel, un gars que je respecte beaucoup.
— Enchantée, répond-elle poliment, mais sans chaleur.
Ange tente de sourire, de dire quelque chose, mais rien ne vient.
La conversation démarre… entre Gabriel et Rachelle. Ils échangent facilement, parlent de musique, de la soirée de ce soir. À chaque fois qu'Ange essaie d'entrer dans la discussion, les réponses de Rachelle sont brèves :
— Ah d'accord.
— Ouais.
— Hmhm.
— Je vois.
Pas de méchanceté. Mais pas non plus d'intérêt.
Ange sent son cœur se serrer.
Gabriel, attentif, se penche discrètement vers lui et lui chuchote :
— Parle-lui de ses goûts en film. Demande-lui ce qu'elle aime, mais fais genre t'es curieux, pas désespéré.
Ange tente le coup, maladroitement.
— Euh… et toi Rachelle, t'aimes bien les films ou…?
Elle tourne légèrement la tête, lui répond rapidement :
— J'en regarde quand j'ai le temps.
Puis elle revient vers Gabriel, lui lançant un sourire sincère :
— Et toi, t'as déjà vu A Quiet Place ? J'ai adoré.
Ange baisse les yeux.
Gabriel sent que ça ne va pas. Alors, pour couper court à la gêne, il propose soudain :
— Et si on sortait ce soir ? Toi, moi… et peut-être Ange aussi, si t'es d'accord ?
Rachelle hoche la tête avec un sourire, mais ses yeux sont posés uniquement sur Gabriel.
— Oui, pourquoi pas. Appelle-moi.
Alors qu'elle s'apprête à partir, Gabriel murmure à Ange :
— Dis-lui au revoir. Confiant.
— Euh… au revoir, dit Ange d'un ton hésitant.
Rachelle, déjà en train de s'éloigner, se retourne à peine :
— Oui, oui, au revoir.
Silence.
Gabriel se rassoit, croise les bras, un léger sourire aux lèvres. Ange, lui, a le cœur en vrac.
— Tu m'as mis dans une situation trop gênante, murmure-t-il. C'est clair qu'elle n'est pas attirée par moi.
Gabriel le regarde droit dans les yeux.
— Tu crois que j'ai toujours été comme ça ? Frère, l'attention, ça se provoque. Elle te voit encore comme un gars effacé. Ce soir, présente-toi autrement. Parle avec le corps, pas juste avec la bouche. Ta posture, ton regard… c'est ça qui renverse la table.
— Tu crois que je peux encore… ?
— Bien sûr que tu peux. Tu veux la fille ? Alors deviens le mec qui peut la séduire. Commence ce soir.
Ange inspire profondément. Une nouvelle peur naît en lui… mais aussi, une étincelle.