Le silence pesait sur le camp, lourd comme une brume qui colle à la peau.
Lyra marchait seule en bordure des tentes, ses bottes écrasant les feuilles mortes. Elle avait prétexté une ronde, mais en vérité, elle fuyait.
Fuyait Ash. Fuyait ses propres pensées.
Elle s'arrêta, sortit un couteau de sa ceinture, et le fit tourner entre ses doigts. Le métal luisait à la lumière froide de la lune.
> "Tu te ramollis."
La voix dans sa tête était la sienne. Féroce. Cassante.
> "Depuis quand tu hésites avant de trancher ? Depuis quand tu regardes quelqu'un tomber sans détourner les yeux ?"
Elle inspira profondément.
Ash l'avait aidée dans le train. Elle aurait pu la laisser mourir. Elle aurait dû, selon les règles qu'elle suivait jusqu'ici.
Mais elle ne l'avait pas fait.
Et maintenant, elle se sentait… atteinte. Humaine.
> "Elle t'a foutu en l'air avec une simple main tendue."
Lyra rangea le couteau, mais sa mâchoire resta contractée.
Elle ne pouvait pas continuer comme ça. Elle devait redevenir celle qu'elle était.
Froide. Lethale. Sûre.
Alors, sans prévenir, elle quitta le périmètre du camp, ses pas glissant dans l'obscurité. Un souffle. Une présence.
Elle venait de voir Eden s'éloigner, discrètement, dans la forêt.
Seule.
Intriguée, Lyra la suivit, à distance.
> "Peut-être que je peux prouver que je suis encore utile."
"Peut-être que je peux me rattraper."
Elle ne savait pas encore qu'elle marchait vers une vérité qu'elle n'aurait jamais voulu entendre.
La forêt avalait les sons. Même les branches ne craquaient plus.
Lyra s'accroupit derrière un arbre, à quelques mètres d'une petite clairière. Eden était là. Elle parlait bas avec un homme que Lyra n'avait jamais vu. Ni soldat. Ni civil. Un inconnu aux habits trop propres, aux gestes trop sûrs.
Lyra se pencha un peu plus, tendit l'oreille.
— Le camp est vulnérable, disait Eden. Ils me font confiance. Je peux les livrer d'ici trois jours, sans effusion de sang.
— Parfait, répondit l'homme. Le patron n'aime pas les complications.
Eden baissa la voix.
— Mais… il y a une fille. Ash. Elle a quelque chose d'étrange. Si elle découvre quoi que ce soit, je devrai…
— T'as les ordres. Si elle gêne, tu l'élimines.
Un silence.
Puis Eden hocha la tête. Dure. Résolue.
Lyra sentit le monde basculer sous ses pieds. Son souffle devint bruyant. Incontrôlé.
Une branche craqua.
Eden se figea. Elle tourna lentement la tête.
Le regard de Lyra et le sien se croisèrent.
— Lyra ? dit Eden, faussement calme. Tu es là depuis combien de temps ?
Lyra ne répondit pas. Sa main glissa vers son couteau.
— Tu ne devrais pas être ici, ajouta Eden en s'approchant, douce mais menaçante. Tu sais que je t'aime bien. Ce serait dommage que tu causes des ennuis.
— Tu allais tous nous trahir, murmura Lyra. Tu vas livre Ash.
— J'ai mes raisons, répondit Eden. Et si tu étais aussi intelligente que je le croyais, tu comprendrais que parfois, trahir, c'est survivre. Et je pense que tu te soucie trop de cette fille. Elle n'en vaut pas la peine ne soit pas idiote je t'en prie
Elle bondit. Vite.
Lyra réagit à l'instinct.
Le couteau sortit, fendit l'air.
Un éclair. Une gerbe de sang.
Eden s'écroula à ses pieds, haletante, les yeux figés d'incrédulité.
— Je suis peut-être ramollie, souffla Lyra, mais je sais encore viser juste.
Elle se retourna, fuyant dans la nuit.
Elle devait avertir les autres.
Mais une question lui rongeait déjà l'esprit :
Et si la trahison d'Eden n'était que la première d'une longue liste ?